LE PHOTOGRAPHE
Romantisme à l’indienne
Miloni, jeune femme issue de la classe moyenne de Bombay, s’attarde, à la descente d’un ferry, devant un monument. Raphi, photographe, lui propose alors de la prendre en photo devant celui-ci. Mais alors qu’il est en train d’imprimer la photo, la jeune femme disparaît dans la foule. Moqué par ses amis, pressé par sa grand-mère, Dadi, de se marier, Raphi s’invente alors une fiancée, prenant Miloni comme modèle. Mais sa grand-mère décidant de lui rentre visite, il tâche alors de retrouver Miloni et lui demande d’accepter de se faire passer pour sa petite amie…
Après le charmant et désabusé "The Lunch Box", découvert à la Semaine de la critique à Cannes et joli succès en salles, le réalisateur indien Ritesh Batra s’est laissé tenter par les sirènes anglo-saxonnes, réalisant coup sur coup "Our Souls at Night", ou les retrouvailles entre Robert Redford et Jane Fonda pour Netflix, et "A l'heure des souvenirs", drame britannique avec Jim Broadbent et Charlotte Rampling. Le voici de retour dans son pays, avec une nouvelle comédie romantique teintée une nouvelle fois d’amour impossible, une photo au lieu d’un repas, servant ici de fil ténu entre ses protagonistes.
Et il faut bien avouer que le charme opère à nouveau, sur fond d’une fine description des conditions de vies différentes de ses deux personnages. D’un côté l’homme vit au jour le jour, de son petit boulot, logé dans une grande promiscuité avec d’autres travailleurs du Bombay laborieux. De l’autre, la jeune femme vit dans une grande maison, créant une superficielle complicité avec une servante hindoue. Tout l’art du scénario est alors de mettre en parallèle leurs deux solitudes, leur quasi mutisme, l’agitation étant autour d’eux et non en eux, et leur refus des conventions autour des mariages arrangés.
Un refus pourtant teinté cependant d’une volonté de ne pas décevoir, le film mettant en évidence les pressions subies par l’un comme l’autre, consolidant au passage leur intérêt réciproque naissant. Passé par Sundance puis Berlin en 2019, "Le photographe" est esthétiquement impeccable, accompagné de sa douce musique au piano. Il se révèle une peinture douce-amère de l’Inde moderne, dans ses contradictions comme ses aspirations, esquissant un espoir de rompre les barrières entre les castes, d’une réconciliation avec les campagnes, d’un regard vers un futur moins miséreux, tout en respectant au mieux les anciens. Un difficile équilibre.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur