LE PHARAON, LE SAUVAGE ET LA PRINCESSE
Trois styles graphiques légèrement différents, pour trois contes également enchanteurs
Sur un chantier, une conteuse est interpellée par une foule, qui lui réclame une histoire, chacun livrant les ingrédients, au gré de ses envies. Elle lui délivrera 3 contes, ancrés dans 3 époques et 3 lieux différents. Dans l’Égypte antique, un homme amoureux d’une femme promise au pharaon, décide de devenir pharaon lui-même. Dans l’Auvergne médiévale, un « beau sauvage » joue les Robin de bois en dépouillant les nobles. Au XVIIIe siècle, dans une ville de l’empire Ottoman, un vendeur de beignets tente d’approcher la princesse des roses…
Venu au Festival d’Annecy en mai dernier pour présenter son dernier long métrage, l’animateur Michel Ocelot, 78 ans, y a reçu un Cristal d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. Retrouvant une structure en plusieurs petites histoires, "Le Pharaon, le sauvage et la princesse" lui a permis de renouer avec ce qui fait la magie de son cinéma, au-delà de sa beauté picturale : une forme de poésie, un romantisme des plus romanesques, et une bonne dose d’imagination. Loin des velléités pédagogiques et de la naïveté d’ensemble du décevant "Dilili à Paris", ce long métrage d’animation s’inscrit donc dans la droite lignée de ses chefs-d’œuvre qu’ont pu être "Azur et Asmar", "Les Contes de la nuit" ou "Princes et Princesses".
Indiquant lui-même qu’il s’agit de trois contes « pour le plaisir », Michel Ocelot a invité Aissa Maïga à prêter sa voix à la conteuse, délivrant à une foule lui réclamant une histoire, trois récits contrastés, ancrés dans des époques et lieux différents. Elle va ainsi s’adresser au spectateur, qui aura lui aussi ses préférences, en livrant l’histoire de "Pharaon", celle du "Beau Sauvage" et celle mettant en scène "La Princesse des roses et le Prince aux beignets". Très documenté, que ce soit pour les costumes ou la représentation des déités, chaque conte revêt un style graphique un peu différent, alliant cependant toujours aplats de couleurs vives et moultes dorures, signes extérieurs de richesse. Dans le premier, on notera des alignements d’éléments en 2D (arbres, soldats…), la multiplication des couches donnant la profondeur. Dans le second, des scènes en ombres chinoises permettent de magnifier certains éléments de couleur. Enfin dans le troisième, l’animation 2D se pare de visages en images de synthèses, technique utilisée aussi pour donner du volume à d’autres éléments.
Alliant grandes destinées (un homme conseillé par les Dieux, un prince laissé pour mort se muant en justicier, un prince marocain exilé à l’autre bout de la Méditerranée…) et romantisme, chacun des récits voit le rapprochement de deux êtres contrarié par des conventions sociales ou des enjeux politiques. Ocelot les agrémente cette fois-ci de petites touches d’un humour fort bienvenu, basé sur le comportement des personnages ou leurs réactions, tout en usant des classiques ressorts du conte qui ont fait son succès : la répétition, le suspense et la malice. Un réel bon cru, ouvert sur le monde et propre à faire rêver petits comme grands.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur