LE MONDE D'HIER
Le monde d’aujourd’hui
La Présidente de la République française décide de ne pas se porter candidate à sa propre réélection. Alors que son successeur devait normalement gagner l’élection sans trop de difficultés, un scandale qui s’apprête à l’éclabousser pourrait tout faire basculer. Jusqu’à placer l’extrême droite au pouvoir…
En 2015, Diastème s’était déjà intéressé à l’extrémisme politique, plus précisément à un skinhead en quête de rédemption ("Un Français"). Ici, le récit n’est plus à hauteur d’homme, plongeant les spectateurs dans les arcanes du pouvoir, au cœur des couloirs de l’Élysée que les partis d’extrême droite n’ont jamais été aussi proches de pénétrer. Elisabeth de Raincy, Présidente de la République, ne souhaite pas se représenter, usée par un exercice qui laisse forcément des séquelles, d’autant plus lorsque sa santé est en jeu. Si son successeur désigné devait profiter d’une élection facile, un scandale qui s’apprête à éclater risque bien de rabattre les cartes et d’entraîner la France dans le chaos. Tous les moyens seront alors bons pour empêcher la chronique de ce drame annoncé. Même des recours illégaux ? Voici la question morale à laquelle le réalisateur nous invite à réfléchir.
Avec la collaboration de Fabrice Lhomme et Gérard Davet au scénario – journalistes d’investigation à qui on doit notamment le saisissant "Un président ne devrait pas dire ça..." sur les coulisses du mandat de François Hollande – le film se pare d’une véracité politique qui ne cherche pas nécessairement le réalisme, lui préférant un vraisemblable romanesque. Ce choix qui sied à merveille aux enjeux de ce projet, où toute coïncidence avec notre quotidien est loin d’être fortuite, permet au cinéaste d’amener son intrigue plus proche du thriller que de la fresque sociétale, s’amusant des codes protocolaires pour les inscrire dans sa narration anxiogène. « On a merdé » résume le Secrétaire général de l’Élysée dans ce métrage qui malheureusement perd en épaisseur au fur et à mesure de séquences pas toujours aiguisées.
À l’écran, le portrait dressé est pourtant familier : un dirigeant du centre dont les mesures d’austérité ont impliqué un basculement de l’échiquier étatique et des rancœurs fortes au sein de la population, des oppositions incapables de s’organiser et d’exister dans le débat public, des figures populistes qui ne cessent de grimper dans les sondages. Sans extrapoler, il n’y a que peu de doutes sur les velléités de Diastème à traiter de notre situation par le prisme de la fiction, d’autant plus lorsque la date de sortie a été calée à dix jours du premier tour des Présidentielles. Si cet appel aux votes risque de demeurer lettre morte et les ressorts scénaristiques s’avèrent questionnables, le film a le mérite d’assumer pleinement son propos, nous offrant un divertissement intelligent à défaut de transcendant. Loin du brio de "L’Exercice de l’État", "Le Monde d’hier", dont le titre est emprunté à Stefan Zweig, auteur connu pour son horreur de la politique, s’avère être un pamphlet qui ne tient jamais les promesses initiales, maladroit sur certaines sous-intrigues en voulant lier l’intime à la grande Histoire, mais dont la sincérité de la démarche offre un essai cinématographique détonnant dans notre paysage cinématographique.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur