LE MIRACLE DU SAINT INCONNU
Une divine surprise, pleine d’humour, venue du Maroc
Dans le désert marocain, Amine tombe en panne et se met à courir un sac à la main. Poursuivi par la police, il a tout juste le temps d’enterrer son butin en haut d’une colline, dans une tombe vite bricolée. Dix ans plus tard, lorsqu’il sort de prison, il retourne sur place et découvre alors qu’un mausolée a été construit autour de la tombe, et dédié à un Saint Inconnu. S’installant sur place dans une auberge, comme n’importe quel pèlerin, il va devoir faire preuve de malice pour récupérer son butin…
Présenté en compétition à la Semaine de la critique du Festival de Cannes 2019, le marocain "Le miracle du Saint Inconnu" est une véritable surprise, alliant comique de situation, personnages burlesques et mise en scène très graphique. Situant son action dans un petit village reculé, où tout le monde se connaît et le rythme de vie semble d’un autre temps, le scénario recèle des trésors d’inventivité, surprenant par ses rebondissements ou par l’absurdité des situations dans lesquelles se retrouve son anti héros.
Tâchant d'imaginer toutes sortes de manières de déjouer la surveillance du gardien nocturne et de son chien, le voleur va trouver nombre d'obstacles sur son chemin. Il se retrouve ainsi aux prises avec un gardien oscillant entre héros local et homme méprisé, un infirmier voleur, un barbier retord, un homme souhaitant partir, chaque personnage étant réduit à sa fonction et permettant le déploiement d’un humour visuel qui fait mouche. Ces personnages, pleins cependant d'une humanité souvent peu glorieuse mêlés à une évocation parabolique de l’état d’une société et d’un pays, évoquent le cinéma d’Elia Suleiman ("Intervention Divine", "Le temps qu’il reste") le cynisme en moins, ou des films comme "La visite de la fanfare".
Décrivant en toile de fond la désertification, le règne de l'ennui, la croyance en des Saints plutôt qu'en la médecine, la priorité forcenée à la religion, la béatitude des pèlerins, le pouvoir de l’argent, le scénario, malin, séduit autant par son humour résolument optimiste, que par son intrigue improbable. Et la mise en scène d’Alaa Eddine Aljem, précise et graphique, faisant varier notamment la proportion du ciel dans le cadre, magnifie cette fable pleine de symbolique. Confrontant tradition et modernité, aspiration vers le ciel ou vers la terre, spirituel et matérialisme, il fait du microcosme observé ici, la parabole d’un pays en pleine évolution. Le parfait petit plaisir, drôle et intelligent, de ce début d’année 2020.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur