LE JEUNE AHMED
La détermination hors de contrôle d’un enfant radicalisé
Dans sa salle de cours, Ahmed, 13 ans, est pressé de partir. Sa prof le retient en lui demandant de réciter une formule mathématique. Le jeune garçon se débarrasse rapidement de cette question et file vers la porte de sortie. La professeure le rattrape et lui demande de lui serrer la main comme il est d’usage, mais l’enfant lui dit froidement, qu’un bon musulman ne serre pas la main d’une femme…
13 ans, c’est la période charnière où l’enfant commence à s’émanciper. Le désir de s’affirmer grandit alors que le cerveau reste encore malléable. Cette période sensible constitue un terreau propice à l’endoctrinement. Youssouf, un imam intégriste, l’a parfaitement compris et profite de la naïveté juvénile d’Ahmed pour lui inculquer la haine des personnes considérées comme impures. L’enfant, qui encore quelques mois auparavant ne lâchait pas sa console de jeux, est à présent déterminé au pire pour être à la hauteur de son cousin martyr, mort en soldat de Daech.
Ahmed est capable de meurtre alors qu’il a encore des joues de bébé. C’est ce terrifiant paradoxe que les frères Dardenne analysent aujourd’hui. Leur caméra ne lâche pas un seul instant l’enfant comme si elle le gardait à l’œil. Elle filme ses desseins morbides préparés avec des gestes malhabiles et essaye d’endiguer le processus en le mettant face à des personnes justes, respectueuses et pleines d’entendement. La professeure, sa mère, ses éducateurs, une petite fille qui l’apprécie et même l’imam fanatique se retrouvent impuissants devant l’incapacité d’Ahmed à prendre conscience de la gravité de ses gestes.
Mais au delà du drame, les frères Dardenne font un état des lieux des principes nauséabonds véhiculés par le fanatisme religieux, notamment au sujet des femmes. Une puissante piqûre de rappel qui montre que la violence de tels actes a tendance à se banaliser. Aujourd’hui, nous sommes presque habitués à ce que quelques fanatiques refusent de serrer la main d’une femme ou protestent qu’un cours d’arabe puisse se faire autrement qu’en étudiant le Coran.
Fidèles à eux-mêmes, Luc et Jean-Pierre Dardenne vont à l’essentiel. Ils captent les moments importants pour que la narration soit fluide et ne s’encombrent pas des transitions. Une économie de moyen efficace (le film ne dure que 1h24), qui peut néanmoins surprendre, notamment pour la scène finale. Effectivement le dénouement est brut, rapide et donne une légère sensation de bâclé alors que l’ensemble du film est bien construit. Un petit défaut qui n’altère cependant pas la puissance de ce drame qui dérange et fait froid dans le dos.
Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur