LE DOMAINE
Une fresque familiale ample, sur fond d’Histoire du Portugal
1973. Sur la rive sud du Tage, une grande famille de propriétaires terrien portugais possède l’un des plus grands domaines d’Europe. Témoin du suicide de son frère lorsqu’il était jeune, João dirige ses hommes d’une main de fer. Et lorsqu’un représentant du Ministère se présente, exigeant de lui une position publique sur la guerre en Angola, il le renvoie sans ménagement. Mais pour lui et sa famille les ennuis vont alors commencer, marquant le déclin progressif du domaine…
Diffusé sous forme de mini-série en 3 épisodes de 58 mn sur Arte TV à partir du 11 juin 2020
"Le domaine" s’ouvre sur une scène assez pétrifiante : dans les années 40, un père montre à son fils la faiblesse de son frère, qui s’est suicidé en se pendant à un arbre, avant de demander à ses hommes, sans sourciller le moins du monde, de détacher le corps. Le récit se divisera ensuite globalement en deux parties, dressant le portrait de l’enfant, devenu propriétaire du domaine : l’une en 1973, l’autre dix-huit ans plus tard, en 1991, alors que ses propres enfants seront devenus grands.
Cette Saga familiale, ancrée dans des pays ouverts incarnant la puissance de cette famille, s’ancre dans un fort contexte politique et historique du pays (la dictature, la révolution, la prise de pouvoir des banques...), mais aussi de l’Europe (soupçon de communisme…). S’intéressant à l’ensemble des personnes gravitant autour de cet homme, de son épouse et ses enfants, au contremaître et sa femme, en passant par certains de ses hommes de main, le récit compose aussi avec son lot de drames intimes et d’arrangements avec la morale.
Si la partie située en 1973 dresse surtout le portrait d’un homme intransigeant, ne supportant pas la faiblesse, et prêt à tout assurer la survie de son domaine, celle qui s’ouvre en 1991 marque le déclin, flirtant avec une certaine décadence et la tentation d’une vérité perçue comme une faiblesse. Et peu à peu ceux qui seraient déjà morts s’il étaient un animal, comme dit à un moment le père, pourraient bien finir par avoir le dessus. Un parcours qui finalement fait une belle parabole de l’évolution du pays, face aux militaires.
Offrant au passage quelques belles cartes postales sur une nature pleine de richesses, utilisant les contre-jours avec acuité, magnifiant les pièces immenses de la demeure familiale, ou laissant sa caméra suivre avec légèreté la course d’un enfant, un instant libre, Tiago Guedes soigne ses cadres et ses transitions. Il parvient ainsi à provoquer une émotion profonde, ceci grâce notamment au jeu impeccable de tout un casting, savamment composé, en tête duquel l’implacable et impeccable Albano Jerónimo ("Les lignes de Wellington").
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur