LE DISCOURS
Un vent de fraîcheur porté par Benjamin Lavernhe
Adrien attend que Sonia, sa compagne, avec laquelle il est en « pause » depuis 38 jours, lui donne des nouvelles. Hésitant, il lui envoie un texto, et voit que celui-ci a été lu. Mais toujours pas de réponse. A table en famille, avec ses parents, sa sœur et son futur beau frère, il fait juste semblant d’être présent, guettant un SMS éventuel. Mais alors que ce dernier lui demande de prononcer un discours lors du mariage, ses angoisses remontent violemment à la surface…
Labellisé Sélection Cannes 2020, où il aurait sans doute figuré Hors compétition, "Le Discours" de Laurent Tirard est passé par le Festival d’Angoulême, avant d’avoir droit à de nombreuses avant-premières début septembre, puis de figurer finalement dans le Label Alpe d’Huez 2021, faute à plusieurs décalages de date de sortie liés à la pandémie de Covid-19. Futur succès annoncé, au vu des réactions des spectateurs, ce portrait d’un homme bloqué dans une relation qui semble se terminer, passant selon lui-même par des phases d’abattement, de colère, d’espoir, de désespoir, de complaisance, vaut de détour à la fois pour sa structure narrative et pour la prestation hallucinante d’un Benjamin Lavernhe qui n’hésite pas à se dédoubler (voire plus).
Quasiment de tous les plans, l’acteur est aussi celui qui nous accompagne, dès le générique de début, lu à l’oral devant un rideau rouge, et jusque dans sa propre évolution. Fonctionnement comme une thérapie, sur fond de préparation du mariage de sa sœur, où il reviendrait sur chacun des épisodes de sa propre histoire d’amour, le film est un délice de trouvailles, de changements de tons, de variations de points de vue, faisant aussi une belle part à des seconds rôles consistants : Julia Piaton en sœur autrefois proche mais devenue une étrangère, Sara Giraudeau autrefois une belle rencontre et aujourd’hui à distance, Guilaine Londez en mère apparemment bien peu compréhensive...
Cynique, imaginatif et drôle, le scénario pointe les angoisses de son personnage principal afin de mieux les dégoupiller une à une, donnant au passage un rôle particulier à quelques classiques de la variété française. Le protagoniste égrène ainsi quelques souvenirs explicitant ses erreurs de jeunesse et ses liens ou conflits avec sa sœur, dissèque avec acuité l’ennui lors d’un repas de famille en s’adressant en complice au spectateur, montre la magie d’une rencontre et d’un désiré destin, pose l’hypothèse de l’annulation du mariage (pour des tas de motifs que ne renieraient pas une certaine "Amélie Poulain"), tout ceci pour mieux se remettre progressivement en question et sortir de l’ornière dans laquelle il se trouve. "Le Discours" s’affirme au final comme une comédie transgénérationnelle très réussie, aussi émouvante qu’optimisme et encourageante.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur