LE CAS RICHARD JEWELL
Révoltant, sarcastique et émouvant, un nouveau tour de force signé Mister Eastwood !
Lors des Jeux olympiques d’Atlanta, un agent de sécurité évite le pire en réussissant à faire évacuer la foule quelques secondes avant l’explosion d’une bombe. Mais rapidement, le héros va être soupçonné d’être lui-même le terroriste…
Clint Eastwood est une énième fois de retour. À bientôt quatre-vingt dix ans, l’un des derniers pour qui l’expression « légende hollywoodienne » n’est pas galvaudée, poursuit son exploration des mythes et de l’héroïsme à l’américaine. Comme sur ses derniers projets, le réalisateur va s’emparer d’une histoire vraie pour lui donner des faux airs de polar anecdotique ou d’actionner inoffensif, dissimulant derrière cette apparente simplicité un récit bien plus corrosif et existentialiste. Le problème avec le cinéaste, c’est qu’on sait désormais rarement à quoi s’attendre, celui-ci pouvant pondre un métrage nostalgique et bouleversant, comme avec "La Mule", mais également donner naissance à une caricature difficilement regardable, type "Le 15h17 pour Paris". Heureusement pour nous, ce "Cas Richard Jewell" penche du bon côté, celui où la sobriété esthétique est mise au profit de qualités scénaristiques parfaitement maîtrisées.
Nous sommes en 1996 à Atlanta, durant les Jeux Olympiques. Richard Jewell incarne une certaine normalité étasunienne : enveloppé, respectueux de l’autorité, patriote, et amoureux des gros fusils. S’il a toujours rêvé de devenir policier, ses différents excès de zèle lui ont valu plus de blâmes que de promotions, si bien qu’au moment où les athlètes du monde entier s’apprêtent à débarquer dans sa ville, le trentenaire devra se contenter d’un rôle d’agent de sécurité. Mais dans la nuit du 26 au 27 juillet, son destin va basculer. Alors qu’il était attiré par un groupe de jeunes dérangeant la foule massive agglutinée sur la pelouse du Centennial Park, celui-ci découvre un sac à dos abandonné. Son instinct le persuade que quelque chose ne tourne pas rond. Il donne l’alerte et fait évacuer le rassemblement. Quelques minutes plus tard, une bombe explose. Grâce à sa promptitude et son dévouement au travail, Richard Jewell vient de sauver des centaines de vie. Immédiatement, celui qui était jadis moqué se retrouve porté aux nues par tout un pays. Jusqu’à ce que le FBI commence à le soupçonner.
Chronique acerbe sur la fascination d’un peuple pour les figures contemporaines de sauveurs, ou au contraire de monstres, le film est une autopsie efficace d’un système conçu pour broyer les individus. Parce que cet homme ne satisfaisait pas les standards habituels du superman anonyme, il se devait d’être coupable. Constat acide et anxiogène sur le pouvoir des médias, et sur l’acharnement qui peut s’abattre sur ceux s’éloignant un peu trop des moules préconçus, "Le Cas Richard Jewell" est une œuvre poignante où les obsessions récentes de Clint Eastwood s’incarnent une nouvelle fois sans jamais lasser. C’est aussi l’affirmation d’un grand talent, celui de Paul Walter Hauser qui, après avoir brillé dans des seconds rôles, ("Moi, Tonya", "BlacKkKlansman"), peut enfin s’exprimer en tête d’affiche.
Si le parcours de ce protagoniste est saisissant, les autres personnages qui jalonnent l’intrigue ont eux tendance à être trop stéréotypés, annihilant légèrement la puissance de l’ensemble (on pense en particulier à la journaliste interprétée par Olivia Wilde, caractérisation qui a même déclenché une micro-polémique outre-Atlantique puisque celle-ci serait éloignée de la réalité). Pour autant, Clint Eastwood confirme qu’il n’en a définitivement pas terminé avec le septième Art. Et lorsqu’il est à ce niveau, ce n’est vraiment pas pour nous déplaire !
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur