LATE NIGHT WITH THE DEVIL
Sympathy for Mr. Audimat
Fragilisé par le décès de son épouse et la baisse croissante d’audimat de son émission de divertissement, le présentateur Jack Delroy cherche l’ingrédient qui lui permettrait de dépasser la concurrence et de revenir au sommet. Il tente alors un coup risqué le soir d’Halloween, en invitant sur son plateau une jeune fille supposément possédée par le démon. Mais durant la soirée, rien ne va se passer comme prévu…
C’était probablement la séance la plus attendue de la compétition longs-métrages des dernières Hallucinations Collectives de Lyon. Pas seulement en raison de l’approbation récente de Stephen King et de Kevin Smith (ce dernier allant carrément jusqu’à nous vanter un extraordinaire croisement entre "Rosemary’s Baby" et "Network" !), mais parce que les échos dont il faisait l’objet, mêlés à un concept de found footage adapté au format d’un show télévisé des années 60, promettaient une expérience de cinéma stimulante, voire même peut-être inédite dans le meilleur des cas. Applaudi par une salle bondée et primé en bout de course par le Grand Prix du public, "Late Night with the Devil" a en tout cas très bien rempli son objectif… sans pour autant aller jusqu’à s’incarner en proposition de cinéma supérieure au tout-venant.
Narrant comment une émission télévisée drivée par la quête éperdue d’audimat vire au cauchemar incontrôlable le soir d’Halloween en invitant sur son plateau une gamine possédée par le diable, le film de Cameron et Colin Cairnes joue plus qu’allègrement avec les codes de la reconstitution d’époque et l’entrecroisement des supports d’images pour construire un amusant divertissement horrifique basé sur une montée crescendo très maîtrisée. Par un jeu d’allers-retours entre le plateau (en couleur pendant le live de l’émission) et les coulisses (en noir et blanc pendant chaque coupure pub), le résultat réussit même à créer un effet de distanciation ironique identique à celui suscité par les deux premières réalisations de George Clooney ("Confessions d’un homme dangereux" et "Good night and good luck"). Mieux encore : en ajoutant pendant l’émission des personnages censés contrer ou influer sur son déroulement (en l’occurrence un larbin chauffeur de salles et un pro pédant de la chasse au charlatanisme), il se paie même le luxe de faire pleuvoir mille potentialités de décalage foutraque sur la tête de son pauvre présentateur veuf, ici incarné par David Dastmalchian (aperçu dans les très récents "Dune" et "The Suicide Squad").
Au vu de tout cela, pourquoi le film peine à s’élever au-delà de son concept ? Peut-être parce qu’il ne se renouvelle que trop peu sur la durée. Peut-être parce qu’il nous cale pépère dans nos pantoufles sans réellement chercher à nous bousculer. Et aussi peut-être parce qu’il n’est pas aussi délirant qu’il aurait pu l’être – on sent parfois les réalisateurs armés d’un premier degré un poil trop prononcé. Mais en l’état, ce solide film de festival qu’est "Late Night with the Devil" tient tout à fait la route pour garantir une soirée ciné amusante, en tout cas bien plus que tout ce que la petite lucarne ne cesse de pondre en matière d’émissions bonnes pour le recyclage (au mieux) et la décharge (au pire)… Et tout de suite, une page de pub… Euh non, pardon, pas de pub…
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur