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LA VALLÉE DES FOUS

Un film de Xavier Beauvois

Jean-Paul Rouve règne en maître à bord

Jean-Paul est dans une mauvaise passe. Suite au décès brutal de sa femme quelques années auparavant, c’est au tour du restaurant familial de plonger peu à peu dans les dettes et impayés. Forcé de déménager et de s’installer avec sa fille Camille au-dessus du restaurant, Jean-Paul commence à tutoyer l’idée de faire le Vendée globe motivé par les gains donnés au peloton de tête. Et si il le faisait en virtuel au fond de son jardin à bord de la vieille voile qui s’y meurt ? Et si au fond, Jean-Paul essayait d’accomplir autre chose ?

Le cinéma de Xavier Beauvois est parsemé de personnages pris dans un dilemme de vie qu’il soit moral ou existentiel (que ce soit avec "Des hommes et des dieux" en 2010 ou encore "Albatros" en 2020). Ses thématiques se fondent sur un décor souvent social et de fracture ou recomposition familiale (on pense aux "Gardiennes" en 2016). Et ce Jean-Paul pris à la gorge par ses soucis financiers et son alcoolisme ne déroge pas à la règle. Interprété par un Jean-Paul Rouve qui donne tout, ce personnage de père plus que faillible mettant en place une idée saugrenue est avant tout touchant de réalisme, notamment en ce qui concerne l’addiction. On doit cette sensibilité à la caméra de Xavier Beauvois toujours à laisser son plan durer et utiliser judicieusement le silence comme un son de vérité entre ces personnages déchirés.

Notons la bande originale signée par Pete Doherty (oui oui, celui de The Libertines) qui n’intervient qu’à de rares occasions pour plus faire parler l’image que surligner les émotions. Et le film se veut plus rayonnant que certains de ses derniers travaux (le papa joué par Pierre Richard renforce cette sensation, bienveillant et avec toujours le bon mot) et on peut voir à travers cette odyssée statique, un appel à la volonté d’évoluer et d’aller de l’avant qui s’avère assez bienvenu. Ce paradoxe de faux mouvements, malheureusement, contamine également le récit, étalé sur deux heures durant, et qui connaît certaines baisses de rythme. Comme Jean-Paul, on en vient à compter les jours de périple qui restent et heureusement qu’il est là notre vrai Jean-Paul. Les scènes où il se retrouve confronté au manque d’alcool, en plus d’être parsemé dans le récit au lieu d’être évacuées trop vite comme souvent, sont le vrai point fort du film : là où son acteur principal donne tout et du coup le vrai moteur du film.

Véritable mise à nue de son acteur principal (presque littérale), Jean-Paul Rouve trouve ici une partition qui lui sied à merveille. Avec sa gueule et sa justesse dans les mots, il incarne ce père déchu sans tomber dans le pathétique. Déchu autant sur sa vie personnelle de père où il ne trouve plus de raison d’être fier, que professionnel (il pourrait être élu pire gérant de restaurant par Philippe Etchebest), il trouve dans cette idée ubuesque un moyen de grandir enfin. Et même si le combat part de son ego au départ, il se mue petit à petit en la quête d’un père à la recherche du pardon. C’est dans cette absurdité de situation (faire le tour du monde en bateau dans son jardin) que le film tire ses meilleures séquences et éclaircit son propos.

Germain BrévotEnvoyer un message au rédacteur

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