LA TRÈS TRÈS GRANDE CLASSE
Un duel efficace entre Melha Bedia et Audrey Fleurot, dont l’aspect potache contrebalance les lourdeurs
Sofia, professeure de Français dans un lycée difficile, se fait humilier par ses élèves, qui la méprisent et lui réservent les pires crasses. Mais lorsqu’elle obtient sa mutation tant espérée pour le lycée français de Barcelone, elle se lâche, réglant ses comptes et les traitant de « débilos ingrats ». Malheureusement sa mutation se retrouve bloquée, du fait de l’appel d’une autre professeur, mère de famille avec enfants, officiant dans une école catholique et apparemment parfaite sur tous les plans…
Nouveau long métrage signé Frédéric Quiring, réalisateur de "Ma Reum" et "Sales gosses", "La très très grande classe", s’appelait encore lors de sa présentation au Festival de l’Alpe d’Huez en janvier dernier, "La classe internationale". Un festival qui semble porter chance à Melha Bedia, la sœur de Ramzy Bedia, aujourd’hui reconnue au-delà de ses one-woman show dans le monde du cinéma, depuis sa révélation là-bas en 2020 dans "Forte", aux côtés de Valérie Lemercier. La voici en professeure faisant face à des ados teigneux et sadiques, pour mieux s’adonner elle-même aux pires exactions lorsqu’il s’agit de tenter de discréditer sa rivale interprétée par Audrey Fleurot, dont l’image lisse confine dès le départ à l’écœurement (son « un fruit, un bisou, et tout est plus » est à la fois ridicule et agaçant).
C’est donc à un duel sans pitié entre les deux femmes que l’on va assister, en mode régression, tellement assumé que les nombreuses lourdeurs finissent par s’estomper face à l’inventivité des situations et surtout l’utilisation de certains personnages secondaires. Pour entrer pleinement dans le film, il faut bien entendu passer outre l’énorme invraisemblance de départ qui consiste à ce que le personnage principal ait eu sa mutation, étant donnée le caractère catastrophique de ses cours face à des élèves qui n'ont aucun respect et la maltraitent ouvertement. Le scénario s'avère ensuite bourré d'idées tordues visant à pimenter l'affrontement, faisant d’ailleurs porter au personnage de François Berléand, nombre de scènes cocasses, en faux père en fauteuil roulant, ou en Mexicain, selon le moment et le besoin.
Si les clichés sont loin d’être absents, le scénario révèle au final un bel élan de vivre ensemble autour de l’association de lutte contre l’illettrisme montée à la va-vite par le personnage principal, histoire de se faire bien voir. A travers ces cours de Français improbables et le concours de poésie, le contact des élèves ingrats et incultes (les poètes qu’ils connaissent sont Baudelaire, Jacques « Pervers », Bouba… ça ne s’invente pas !) avec des adultes en soif de reconnaissance sociale finit par fonctionner, provoquant même au final une belle émotion lors d’une des scènes clé. Si Audrey Fleurot en fait des tonnes dans son rôle de femme « parfaite » mais teigneuse, si la dernière partie donne trop dans la bagarre facile, la petite romance avec l’inspecteur résolument naïf, interprété par Arié Elmaleh, convainc. Et ce film à l'humour rythmé, par moments sans doute trop caricatural, démontre une vraie générosité dans la manière de représenter les étrangers vivant en France.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur