LA TRAVERSÉE

En puisant dans l’histoire de sa propre famille (ses arrière-grands-parents ayant fui Odessa puis sa mère ayant vécu l’exode de 1940), Florence Miailhe aurait pu faire un documentaire animé, un peu comme Marjane Satrapi l’avait fait avec son autobiographique "Persepolis" (en BD d’abord). Mais elle a fait un autre choix qui s’est avéré payant : en optant pour un récit plus proche du conte fantastique, elle rend son récit universel et intemporel. Ainsi cette bouleversante "Traversée", coécrite avec l’écrivaine Marie Desplechin, résonne avec toutes les tragédies de l’exil, qu’elles soient passées, actuelles ou futures.

Refusant d’ancrer son histoire dans des lieux réels et dans une époque précise, Florence Miailhe s’inspire toutefois de situations réelles (intégrant aussi des dessins de sa mère, l’artiste et résistante Mireille Miailhe) mais la cinéaste les mêle à divers contes et mythes d’horizons divers, ce qui a pour effet de parler de et à tout le monde. On reconnaîtra par exemple l’influence de "Hansel et Gretel" ou du "Petit Poucet", des personnages-types comme la Baba Yaga ou les ogres, ou encore des figures symboliques tels que les corbeaux. Poétique dans le ton, "La Traversée" l’est aussi dans la forme, la réalisatrice exploitant une technique peu courante (du moins en long métrage) : la peinture animée. Ce style, qui laisse une place à l’instinct et au hasard dans sa mise en œuvre, donne une âme chagallienne à ce film et participe à le rendre mémorable. La noirceur et l’onirisme s’entremêlent dans ce magnifique récit qui, bien qu’estampillé « Jeune public » par l’AFCAE, risque tout de même d’être trop difficile d’accès pour les moins de 12 ans.