LA SIRÈNE
Rester pour mieux aider
À Abadan, ville du sud de l’Iran, en 1980, alors que les bombardements irakiens commencent, la famille d’Omid, 14 ans, se disloque. Son frère Abed décide de prendre les armas. Sa mère et les deux plus petits s’enfuient. Lui, décide de rester, avec son grand père…
Passé par l’ouverture de la section Panorama du dernier Festival de Berlin, "La Sirène" se retrouve aujourd’hui en compétition au Festival du film d’animation d’Annecy. Il faut dire que les qualités graphiques du film, ne manquent pas, offrant dès le début une scène sidérante de beauté et d'effroi, alors que des ados jouent au foot, le personnage d’Omid s’arrêtant soudainement, surpris par les bombes qui éclatent, dans un mélange de tons rouge-orangés. Racontant le siège d’une ville d’Iran que l’on découvre alors diverse, y compris dans ses confessions religieuses, le film multiplie les plans magnifiques, disposant par moments de systèmes d’ombrages complexes, jusque dans son final à bord d’un bateau, qui doit permettre une évasion potentielle de cet enfer, pour une chèvre, un portrait de la vierge, un prêtre arménien, des colombes, une chanteuse adulée...
Mais c’est justement dans l’esprit d’entraide qu’insuffle le personnage principal, qui enchaîne livraison à moto, repérage d’un bateau à retaper (la fameuse Sirène d’Abadan du titre), recherche du devenir de son frère, que le film trouve tout son sens. Au delà de ça, la réalisatrice (vivant depuis des années en France et auteure de "Demain je traverse", "Téhéran sans autorisation") montre une société iranienne bien plus ouverte et prospère que celle qu’on croit connaître aujourd’hui, se permettant quelques audaces pour en marquer l’aspect : la présence de la série Goldorak à la télé, dont le générique est intelligemment détourné, une pluie de pétrole qui explique l’intérêt stratégique du siège de la ville... Évoquant au passage les traumas d’une famille meurtrie (le père disparu, le destin du frère..), "La Sirène" s’impose comme une œuvre vibrante et originale, embrassant la société comme un tout, avec toutes ses différences, dont la seule arme est finalement l’entraide.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur