LA RUSE
Un stratagème aux petits oignons
Londres, 1943. Dans les bureaux du MI5, les services d’espionnage se creusent la tête : comment faire pour mettre en déroute l’ennemi allemand et le tromper sur le débarquement de Sicile ? Une idée un peu farfelue impliquant l’utilisation d’un cadavre doté d’une fausse identité, une lettre top secrète et un amour imaginaire finit par séduire Churchill. Une petite équipe est alors désignée pour mettre en place la stratégie…
"La ruse" ou "Operation Mincemeat" en VO est le film d’un vieux roublard. Si on aime les dialogues aux réparties bien senties, l’humour anglais dans toute sa subtilité, le charme loin d’être flétri de Colin Firth (généreusement partagé avec ses partenaires, Kelly Macdonald en tête) et les films d’espionnages qui prennent leur temps, alors on aimera "La ruse" de John Madden. Ce cocktail on l’aura compris très anglais, se déguste comme un bon scotch : dos à la cheminée en regardant dehors la pluie tomber avec satisfaction. Encore faut-il apprécier le scotch, la pluie ou les films d’action sans explosions.
Car "La ruse" s’apprécie surtout pour son ambiance : c’est Londres, l’humidité, les missions secrètes dans les bars à espions, le tweed, les briques apparentes et les chapeaux à bord longs. Et c’est surtout cette incroyable maîtrise de la caméra qui nous rappelle finalement que l’âge rime parfois bel et bien avec l’expérience. Du haut de ses 73 ans, John Madden ("Shakespeare in love") nous livre une vraie leçon de cinéma. Les plans glissent les uns après les autres comme des ricochets sur l’eau d’un lac sombre, laissant suffisamment de place à l’intrigue pour s’épanouir, et nous laissant à nous spectateur, suffisamment de temps pour comprendre tous les enjeux de cette périlleuse mission. Car c’est finalement là que réside tout le sel de "La ruse", qui est un film au service de son histoire avant tout. En 2h07, le long métrage parvient à nous tenir en haleine en commençant par le commencement (l’écriture de la stratégie) avant de tirer et dérouler tous les fils de son intrigue, sans omettre une seule étape logique.
Mais "La ruse" ne s’arrête pas à son histoire d’espionnage. C’est aussi une histoire d’amour; à l’anglaise of course, faite de retenues, de nonchalance et de dialogues dans lesquels on flirte sans en oublier son sens de l’humour. Un petit bémol vient malheureusement porter une ombre lointaine sur ce charmant paysage brumeux, qui est la différence d’âge entre les deux amoureux (15 ans de plus pour monsieur). Un cliché tellement vu qu’il en sort, à force d’être passé de main en main, jauni et complètement froissé.
Rédactrice également membre du LYF
Amande DionneEnvoyer un message au rédacteur