LA RIVIÈRE
Trop de courants dans la rivière
À partir des initiatives mises en place pour préserver ces rivières pyrénéennes que l’on appelle les gaves, ce documentaire observe comment l’activité humaine bouleverse le cycle de l’eau et la biodiversité qui lui est liée…
À un moment donné, l’une des personnes interviewées dans "La Rivière" définit le cours de l’eau comme un flux destiné à changer de logique dès lors qu’on tend à le bloquer. C’est une métaphore assez idéale de ce que représente ce documentaire, certes centré sur LE problème le plus préoccupant de nos sociétés contemporaines (non pas le pétrole ou l’électricité, mais l’eau) mais qui court trop de lièvres à la fois pour ne pas finir par s’éparpiller au gré des pistes explorées. La sensation d’assister à un montage effectué à l’instinct et sans souci de progression narrative se fait ressentir au gré des scènes, à tel point que changer l’ordre de ces dernières n’aboutirait sans doute pas à quelque chose de différent. Cet effet puzzle abîme quelque peu la persistance de cette investigation, quand bien même tout ce qui y est abordé et développé reste d’une importance capitale.
Des enjeux éthiques sur la biodiversité au dilemme problématique des barrages hydroélectriques (qui bloquent la circulation du saumon) en passant par les inévitables sujets alarmistes que sont la pollution des rivières et la fonte des glaciers, tout se télescope à la manière de plusieurs cours d’eau thématiques qui partent tous dans leurs directions respectives sans pour autant se recouper directement à un instant T. Même le choix des interviewés prolonge parfois l’effet : quand bien même le réalisateur ressent ici le besoin de faire intervenir un fermier basque qui cultive le maïs, une étudiante qui partage ses rêves de navigation ou encore un scientifique qui étudie les papillons de nuit au bord d’une rivière, leurs témoignages peinent à trouver leur utilité dans la narration – surtout le dernier qui clôt le film sur une scène à deux pas du hors-sujet. Quant à l’impact supérieur du 7ème Art par rapport à celui d’un documentaire lambda pour la chaîne Planète, il reste ici aux abonnés absents – les cadres s’étirent plus que de raison tout en évacuant toute perspective symbolique qui permettrait d’amplifier l’angle et le propos. La frustration est donc de rigueur face à ce film, lauréat du Prix Jean Vigo 2023.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur