Festival Que du feu 2024 encart

LA PLUS PRÉCIEUSE DES MARCHANDISES

Un film d’animation touchant à la sobriété graphique appropriée

Dans un bois enneigé vivent un pauvre bûcheron et une pauvre bûcheronne, dans la solitude, la misère et le froid. Suite à une prière près de la voix-ferrée, la bûcheronne recueille un bébé, balancé d’un train où un homme a aperçu sa silhouette. Malgré les réticences de son mari, elle ramène l’enfant au chaud dans leur maison…

Ultime film de la compétition du dernier Festival de Cannes, l'adaptation du conte éponyme de Jean-Claude Grumberg en film d'animation n'aura finalement pas convaincu le jury présidé par Greta Gerwig. Pourtant celui qui a passé une partie de sa carrière à jouer dans la parodie, qu'il s'agisse de faire revivre "OSS 117", de rire du passage du muet au parlant ("The Artist"), de s'attaquer à la légende Godard ("Le Redoutable") ou de faire d'un remake d'un film de zombies japonais une ode au cinéma ("Coupez"), a ici insufflé de belles intentions humanistes, se plongeant pour la première fois dans le sujet de Shoah. Car la « petite marchandise » du film n'est autre qu'un bébé balancé hors d'un train, traversant un bois, en direction d'un camp d'extermination. Une petite fille que va recueillir une bûcheronne et son mari, au départ réticent, en faisant l'enfant qu'elle a failli ne jamais être.

Comme une pulsion de vie, le récit se concentre sur la survie du couple et de l’enfant, ainsi que sur la naissance d’un lien affectif, avant de retracer par flashs-back le « contact » avec les personnes du train, déportés d’abord réduits à des silhouettes entassées dans l’obscurité avant de s’incarner en un visage fantomatique d’un père épuisé par la faim et la souffrance. Si l’animation permet de mettre un peu de distance avec la dure réalité, qu’il s’agisse des camps de concentration ou du comportement anti-sémite des hommes du coin, la simplicité des traits de contours plus ou moins épais, les aplats de couleurs pour les personnages et l’utilisation du blanc comme pour mieux souligner le caractère irréel des lieux, font du film une œuvre d’une grande sobriété.

Le travail sur la neige, envahissante, menaçante de froid mais rassurante de calme et de douceur, comme celui sur les effets de vapeurs autour du train, sont très réussis. Tout comme la composition de certains plans, qui jouent avec les verticales des boulots et les horizontales des ombres, la lumière vive à l’arrivée du train, ou la série de visages hurlants. Pourtant étrangement la voix-off de Jean-Louis Trintignant semble pressée de narrer l’histoire, insistant un peu trop sur le caractère « pauvre » des deux personnages, leur quotidien suffisant à décrire le fait. Les dialogues quant à eux sonnent parfois un peu creux, mais globalement cette "Plus précieuse des marchandises" séduit par sa sobriété, le hors champ utilisé pour la violence, comme la manière indirecte d’évoquer l’horreur (un oiseau sur un tas de chaussures…). Montré également au Festival d’Annecy en ouverture, où il est également en compétition, le film laisse indéniablement quelques images marquantes en mémoire.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

BANDE ANNONCE

Laisser un commentaire