LA MORSURE
Une morsure manquant cruellement de mordant
En France pendant les années 60, une pensionnaire d’un lycée catholique fait le mur avec sa meilleure amie, persuadée que c’est la dernière nuit de sa vie…
Premier long métrage du réalisateur Romain Saint-Blanquat, "La morsure" nous plonge en mars 1967, aux alentours du Mardi gras. Françoise, jeune pensionnaire d’un lycée catholique pour filles, fait le mur pour profiter d’une dernière soirée persuadée qu’elle va mourir ce mardi-là. C’est que l’adolescente interprétée par Léonie Dahan-Lamort ("L’Île et le continent", "Tout fout le camp", "Stella est amoureuse") ne jure que par son pendentif « bouclier », dès que quelque chose la taraude. Et justement, un étrange rêve prémonitoire l’incite à demander au pendule si elle va mourir ou non ce soir-là.
Le début du film intrigue, avec une ambiance qui jongle entre obscurité et austérité, rendant la fuite en avant de la protagoniste encore plus jouissive. Au courant qu’une soirée costumée doit prendre place dans une maison quelque part à l’extérieur, Françoise embarque Delphine, sa meilleure amie (interprétée par Litith Grasmug) dans son évasion. Dans leur échappée, les deux amies font la rencontre de Maurice (Fred Blin), un homme inquiétant, dans un bar local où elles devaient retrouver des personnes avec qui aller à la soirée. Amusé par l’histoire de Françoise, l’homme accepte finalement de les aider et pour ce faire, dérobe une voiture sous leurs yeux pour les conduire au lieu-dit de la soirée. Si le film partait sur de bonnes bases, c’est à partir du trajet en voiture qu’il va progressivement baisser en rythme pour finir par se perdre totalement en chemin.
C’est regrettable, car il y a de belles idées côté réalisation, et quelques plans sont fouillés et beaux à regarder. Mais l’ambiance « sixties » jusqu’à présent assez crédible va totalement perdre de sa superbe dans un simulacre de soirée yéyé dont l’authenticité laisse vraiment à désirer. D’autant que les dialogues vont devenir confus et creux, dans une veine tentative de nous mettre dans l’ambiance. Le problème c’est qu’elle nous échappe. Il ne faut pas oublier que Françoise est censée mourir ce soir. Pourtant on ne ressent pas son stress monter. Le seul moment de tension de la soirée se trouve être une agression par un voyou à qui elle demande une cigarette. Le reste est une succession de scènes aussi lentes les unes que les autres, avec une pauvreté de dialogue à faire pâlir plus d’un fantôme. Saupoudrez le tout d’une dose d’amourettes d’ados sans intérêt et vous aurez une soupe insipide à boire pendant 90 minutes, ce qui s’avère un peu long tout de même. C’est dommage car un personnage comme Maurice, le vétéran solitaire, aurait pu rendre l’histoire beaucoup plus captivante s’il avait été plus développé, d’autant que l’acteur qui l’interprète (Fred Blin) a cette aura nécessaire pour le permettre.
Les allusions sur le passage à l’âge adulte sont grossières et ne justifient pas le vide scénaristique dont souffre "La Morsure", et ce malgré une entame qui laissait présager de réelles possibilités en termes d’écriture. La relation de Françoise avec Christophe (Maxime Rohart), le gentil vampire fait penser à une mauvaise parodie de "Twilight". Leonie Dahan-Lamort est sous exploitée et aurait mérité de voir son rôle de fille hantée par la mort et ses désirs bien plus approfondi, à défaut de la voir se dénuder devant un puceau sauvage grimé en Dracula. Le final laisse perplexe, et heureusement le générique est là pour réveiller le spectateur juste à temps, et ainsi lui permettre de retrouver le monde des vivants, après avoir survécu à un film aussi soporifique que décevant.
Raphaël ConversEnvoyer un message au rédacteur