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LA JEUNE FILLE ET LES PAYSANS

Convoitises

Au XIXe siècle, dans son village polonais, la jeune Jagna est jalousée par les femmes plus âgées, qui se disent qu’un jour elle devra bien quitter le nid. Ayant la réputation de n’être pas farouche, elle sourit à Antek, homme marié avec lequel vient rapidement une liaison passionnelle. Mais, sur médiation du maire, sa mère décide de la marier au père d’Antek, Maciej Boryna, plus riche propriétaire terrien du village, contre 6 arpents de terre…

Les réalisateurs du sublime "La Passion Van Gogh", film d'animation à base de peintures animées, en forme d’enquête sur la mort du peintre, étaient forcément attendu au tournant. "La Jeune fille et les paysans" est leur nouveau long métrage, lui aussi en animation, à base de prises de vues réelles reprises aussi à la façon de peintures, et incorporant des tableaux connus de peintres polonais de la fin du 19e et début du 20e siècles (Józef Chełmonski, Michał Gorstkin-Wywiórskik, Ferdynand Ruszczyc...). En résulte un tourbillon de couleurs qui, comme le livre fleuve, prend la peine, au fil des saisons, de saisir les détails de la campagne polonaise (paysages multiples, mouvements des animaux de ferme, charrette surchargée de choux que l’on pousse sous la pluie, richesse des étales du marché...) ou l'ivresse des fêtes locales.

Chacune des transitions entre les saisons qui chapitrent le film - d'un été à l'autre -, est un délice visuel, empreint de délicatesse : des plans de plus en plus larges depuis une chambre vers des champs soudainement enneigés, une neige qui fond peu à peu, des pommes qui mûrissent en accéléré... Adapté du Prix Nobel de littérature Les Paysans, signé Władysław Reymont, roman fleuve de plus de 1000 pages, le scénario se centre sur la jeune Jagna, objet de convoitise à une époque où la femme était considérée comme un bien, tout comme les terres, que seul le mariage ou l'héritage permettaient de transmettre. Rapidement, les ingrédients d'un grand drame sont ainsi mis en place : mépris du père pour ses enfants (son fils Antek, comme sa fille, mariée et en difficultés) autour des questions de propriété qui attise le désir de vengeance, pauvreté rampante et inégalités de richesses, passion entre Jagna et Antek qui ne peut entraîner que jalousie et rage grandissante de la part du père, beauté et esprit de liberté de Jagna qui ne fait qu'aiguiser la jalousie des femmes du village...

Accompagné d'une envoûtante musique, quasi permanente, et signée cette fois Lukasz « L.U.C » Rostowski et Waldemar Pokromski, le film offre quelques scènes de fête, dont les danses s'apparentent à d’haletants tourbillons. L'une d'entre elles, celle du mariage, dans sa mise en scène, est avant tout l'occasion d'affirmer la possession l'Homme sur la Femme, la liberté de mouvement de Jagna venant à être enserrée par les cavaliers qui se succèdent, dont le vieux Maciej et son beau fils blond. La seconde est plus synonyme de rébellion de la part de Jagna et de son amant, un temps exilé, affirmant par la couleur de leurs vêtements (blanc pour lui, rouge pour elle), le caractère impulsif et sexué de leurs élans. Avec pour fond la lutte des paysans pour conserver le droit de vivre décemment, face à un châtelain de plus en plus gourmand, "La Jeune fille et les paysans" est une passionnante fresque autour du désir et de la liberté de la Femme.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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