LA FLOR Partie 3
Cohérence d'un ensemble
« La Flor » est un omnibus, ou un film à sketchs sur le cinéma et le système de narration qu’il propose. Les parties 1 et 2 de ce projet étaient consacrées à différents genres de cinéma : l’horreur un peu bis, la comédie musicale un peu bis, le cinéma d’espionnage vraiment bis. Ce nouveau volet vient clôturer le troisième chapitre (autrement dit l’histoire dans « La Flor partie 2« ), en présentant les deux dernières espionnes et en laissant encore une fois le spectateur sur sa faim dans une narration sans troisième acte. Mais ce troisième volet contient également le chapitre « réflexion sur le cinéma » annoncé depuis le premier épisode. Une mise en abîme du cinéma qui ressemble diablement au projet auquel le spectateur est en train d’assister…
Chapitre 3 (Acte 3)
Fin des portraits et clôture suspendue
"La Flor partie 3" s’ouvre sur les histoires passées des deux espionnes restantes, Laura Paredes et Elisa Carricajo, entrecoupées par l’histoire principale de leur traque en Amérique du Sud et des coups de téléphone que reçoit Squelette. Comme l’avait été la séquence consacrée au passé de La Muette, celle sur le passé de l’Amoureuse est d’une grande beauté. En effet, cette histoire d’amour surprenante entre deux espions touche au cœur, en raison de la gestion de la musique et de la voix-off. Le réalisateur, se refusant d’abord au lyrisme, fait littéralement parler ses images au rythme de sa voix et de la voix de son actrice. De grandes accumulations au cours de soliloques tragiques, rythment les plans. Étonnamment, cette expression du sous-texte n’appauvrit pas les images, mais leur donne une profondeur. Cette courte tragédie romantique, comme l’avait été l’histoire de la Muette, se trouve suspendue dans le flot du bis et des effets de mise en scène qui parcourent le reste du troisième acte, y compris dans l’histoire de la dernière espionne, l’Agent 50.
Il est amusant de noter que le réalisateur se met en scène dans cette dernière histoire, en tant que taupe, ou responsable du grand mal qui aurait conduit à la fin de la Guerre Froide par l’effondrement des services secrets communistes.
Chapitre 4 : réflexion magico-réaliste sur le cinéma
Mise en abîmes de la mise en scène
Mariano Llinás crée pour ce quatrième chapitre un avatar de lui-même. Un réalisateur qui comme lui est très attaché à l’écrit. Qui travaille avec un carnet similaire à celui du prologue dans lequel se retrouve script, découpage et dessins préparatoires. Qui travaille sur un projet au long court avec quatre actrices. Qui réfléchit sur la forme et qui se sert d’un motif, une araignée à six pattes, en une ou deux parties, voire trois, mais surtout pas une, pour expliquer la structure de la narration. Cette structure si particulière qui fait que le troisième chapitre doit forcément avoir une narration différente que les deux précédents pour ne pas ennuyer le spectateur (justification de la forme si enchevêtrée de la narration du chapitre 3 de "La Flor" peut-être ?).
Au départ était le verbe… C’est presque comme cela que commence ce quatrième chapitre, pas le verbe dit mais celui qui est écrit. Un verbe écrit plus stable que la voix-off hésitante. Par cette ouverture, le quatrième chapitre propose une passerelle vers la littérature, mais vers une littérature bien spécifique, qu’un autre argentin a su amener en France : le réalisme magique de Cortázar. Ne pas hésiter à relire Continuité des Parcs ou encore Axolotls pour comprendre ces réflexions mystérieuses sur le cinéma, la nature, les acteurs et les rapports que tous entretiennent.
Encore une fois, un film plus intelligent que sa mise en scène, qui a grandement tendance à fatiguer le spectateur en raison de son manque de cohérence et de lisibilité. Si quelques moments suspendus apparaissent, c’est au milieu de beaucoup de lourdeur, d’attente et de fatigue. A voir si la quatrième et dernière partie de cet omnibus viendra clore et peut-être donner une cohérence à ce patchwork globalement assez indigeste.
Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur