LA FILLE AU BRACELET
L’expérience du procès
Depuis deux ans, Lise, 18 ans, porte un bracelet électronique autour de sa cheville. Elle est accusée d’avoir assassiné sa meilleure amie. Alors qu’elle vient tout juste d’avoir son bac, c’est l’heure de son procès, durant lequel la vérité devra surgir. Mais le comportement de Lise va dérouter tout le monde. Est-elle vraiment une meurtrière ?
Le film de procès est un genre qui, à bien des égards, ne parvient pas à évoluer : entre le désir de retranscrire la réalité d’un contexte judiciaire et le suspense naissant de la supposée culpabilité de l’accusé, le principe tangue toujours d’un côté ou de l’autre. Et le fait d’être habitué à l’émission Faites entrer l’accusé pèse désormais de plus en plus lourd dans l’absence d’originalité et de surprise. Dans le cas présent, pour un film qui se veut le remake officieux d’un film argentin basé sur le même postulat ("Acusada" de Gonzalo Tobal, sorti l’an dernier sur nos écrans), on ne peut pas dire que "La Fille au bracelet" se distingue réellement de son homologue, hormis peut-être sur l’attention relativement forte qu’il porte aux personnes qui entourent l’accusée. Sans trop spoiler la finalité du récit, disons que l’intérêt tient ici sur un concept assez voisin de celui de "Douze hommes en colère", par lequel l’acquisition d’une vérité judiciaire passe au-dessus de la vérité primaire et où l’intime conviction de l’audience – aussi bien le public du procès que le spectateur du film – est mise à contribution pour bâtir un ressenti et un avis. Un film sans mode d’emploi, donc, qui prétend faire de son spectateur un témoin actif du procès.
Quel procès, justement ? Moins celui d’une jeune fille supposée meurtrière que celui d’une certaine jeunesse aux mœurs difficiles à clarifier, on s’en rend assez vite compte. Stéphane Demoustier – oui, c’est le frère d’Anaïs – ne se sert ici des arcanes du procès que pour questionner ce mystère, entretenu en l’état par une forte majorité de silences qui font planer le doute sur cette jeune accusée à la froideur et au détachement de plus en plus suspects. Aveu déguisé ou signe de vulnérabilité, le silence est ici ce qui rend le film prenant et intense, le jeu habité de la prodigieuse Melissa Guers comptant pour triple dans ce trouble, intensifié par la présence des adultes, avocats et parents, qui peinent à sortir les idées claires de cet amas d’indices et de suppositions. Pourquoi, dans ce cas-là, le réalisateur s’est-il senti obligé de placer dans la bouche de ses acteurs une paraphrase littérale de ce parti pris ? Par souci de réalisme par rapport aux discussions de tribunal, peut-être bien, mais on se sent alors moins un témoin du procès (qui essaie de se forger librement sa conviction) qu’un membre de jury (qu’il s’agirait de convaincre avec un peu trop d’insistance). Trop illustratif dans son propos, "La Fille au bracelet" n’est hélas pas assez riche en idées de cinéma, hormis un très savant reflet sur une vitre (qui superpose le visage de la mère de la victime sur le ventre de l’accusée) et les plans d’ouverture et de clôture (les seuls qui impressionnent vraiment). Par contre, en tant que film de scénariste, il a du brio à revendre.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur