LA FAMILLE ASADA
Laisser une trace et faire du bien !
À la fin de ses études de photographie, Masashi décide de mettre en scène sa propre famille en tenant compte des rêves et fantasmes de chacun : son père qui voulait être pompier, son frère aîné qui rêvait d’être pilote de Formule 1, sa mère qui s’imaginait devenir l’épouse d’un yakuza…
Ryôta Nakano en est à son cinquième long métrage mais "La Famille Asada" n’est que le premier à bénéficier d’une distribution dans les salles françaises. Alors profitons-en car c’est un vrai bijou d’émotions et de bonne humeur ! Le réalisateur s’inspire du parcours d’un vrai photographe, Masashi Asada, et des deux livres qu’il a publiés : l’un mettant en scène sa famille, l’autre sur la recherche de photographies dans les décombres des villes ravagées par le tsunami de 2011.
Il en résulte une œuvre à la portée universelle, à la fois ancrée dans le réel et pleine de fantaisie, qui s’avère lumineuse même dans les moments de drame (le film met pourtant en scène un enfant atteint d’un cancer et des proches de victimes du tsunami). "La Famille Asada" réussit notamment un petit miracle : magnifier les défauts et imperfections des êtres humains pour en faire ressortir du positif. Par exemple, le personnage principal nous montre que, sous des apparences parfois égoïstes (il s’absente parfois très longtemps sans donner de nouvelles à ses proches), peut se cacher un être profondément préoccupé par le sort de ses congénères. De même, son père, qui peut passer aux yeux de certains pour un homme qui manque de courage, a finalement le sens du sacrifice au bénéfice de sa conjointe et devient modestement – sans le revendiquer, ni même en avoir conscience – un vrai héros féministe dans une société profondément patriarcale.
Au fil de ce récit tantôt feel-good tantôt émouvant, qui peut parfois flirter avec le burlesque comme avec le mélo, se pose aussi, sans prétention, la question de l’authenticité. À ce titre, il y a une scène-clé : quand Masashi passe à proximité de deux photojournalistes qui mitraillent un homme déblayant les débris post-tsunami, la réaction du protagoniste nous fait prendre conscience que l’authenticité et la sincérité ne sont pas automatiquement liées au réel, et que la mise en scène factice de ses photos est paradoxalement plus vraie et sensible que certains clichés d’une actualité brute. "La Famille Asada" nous rappelle ainsi que le lien humain est essentiel et le processus de création de Masashi est admirable pour cela : il est nécessaire pour lui de connaître son sujet avant de le prendre en photo.
Signalons pour finir, sans en dévoiler les détails, deux scènes mémorables qui constituent d’autres atouts majeurs du film : une demande en mariage qui peut entrer au panthéon des plus originales de l’histoire du cinéma, et un étonnant twist final.
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur