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L’ORDINE DEL TEMPO

Un film de Liliana Cavani

Problèmes bourgeois en temps de météorite exterminateur

Dans leur maison de bord de mer, un couple accueille des amis pour fêter les cinquante ans de la maîtresse des lieux. La fille est envoyée passer la soirée chez une amie, tandis qu’Enrico, scientifique travaillant sur les distorsions du temps, arrive en retard et avec une mauvaise nouvelle. L’astéroïde baptisé Anaconda pourrait bien percuter la terre…

L'Ordine del tempo film movie

En visionnant le film italien "L’Ordine Del tempo" on a ressenti un malaise assez proche de celui vécu face au "The Last Face" de Sean Penn, avec le sentiment d’un décalage complet des personnages, dans leurs problématiques, avec la catastrophe qui risque ici tout juste d’anéantir l’humanité, voire une partie de celle-ci. S’il s’agissait de la guerre dans le film américain, c’est cette fois-ci un astéroïde, dont la trajectoire a 5 a 20% de chance de croiser celle de la terre, les deux scientifiques invités se gardant de révéler à quelle échéance la catastrophe pourrait arriver (hormis, on le suppose, hors champs, dans quelque confidence). S’en suit donc un suspense déjà minoré, alors que le protagoniste principal, Enrico avec des yeux de cocker appuyés, nous laisse deviner tout le passé d’amoureux malheureux, alors qu’il aperçoit Greta, en couple avec un autre.

On voit bien derrière les gros sabots d’un scénario qui s’étale en premier lieu sur une tragédie grecque dans laquelle une femme se sacrifie pour son mari, et sur l’une des convives qui s’interroge sur le fait qu’un mari puisse lui aussi se sacrifier pour sa femme, ce qui a pu être l’intention de ce film montrant les femmes d’aujourd’hui comme indépendantes. De plus, la distorsion du temps ne concerne pas seulement le devoir de l’adolescente, ni la trajectoire de l’astéroïde, mais aussi les histoires des uns et des autres, dont les contrariétés vont être laborieusement explorées dans cette sorte de vaudeville qui se veut malheureusement sérieux.

Si l’on aurait aimé s’attacher à ces personnages, comme dans "Les petits mouchoirs", ou rire de leurs imbroglios, comme dans "Le SkyLab" (un autre film, bien plus fin, signé Julie Delpy, dans lequel la chute probable, cette fois d’un satellite, remet en cause les relations dans un groupe d’amis et de proches), pas grand chose de naturel au final à se mettre ici sous La dent. Chacun des personnages, malgré la menace, en reviendra toujours à ses petits soucis de cœur, d’argent oude statut social, le scénario se payant même le luxe d’ignorer de bout en bout les aspirations de la bonne péruvienne, légitimement inquiète pour sa famille au pays. Les passages où le charme et le rapprochement opèrent entre Edoardo Leo et Valentina Cervi, toujours situés sur la plage, sont à chaque fois gâchés par un déluge de violons qui épargnent heureusement le reste du film. Quant à la crise existentielle de l’investisseur financier allemand, elle est tout juste risible de bout en bout. Que le film ait pu arriver jusqu’en Hors compétition au festival de Venise n’est sans doute du qu’à l’hommage rendu le même jour lors de la cérémonie d’ouverture à sa réalisatrice (Liliana Cavani, auteure de "Portier de nuit" et "Berlin affair"). Il aurait sans doute mieux fallu proposer aux festivaliers l’une de ses œuvres précédentes.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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