L'INCROYABLE HISTOIRE DE L'ÎLE DE LA ROSE
Incroyable mais bof
À la fin des années 60, l’ingénieur italien Georgio Rossa construit une plate-forme à 12km de la côte de Rimini. Avec quelques acolytes, il va en faire un lieu branché puis une véritable utopie en déclarant son indépendance.
Sortie le 9 décembre 2020 sur Netflix
Le titre le dit : l'histoire est incroyable. Elle l'est d'autant plus qu'elle est réelle. Et avouons-le, tout, là-dedans, donne envie de faire un film : le parcours d'un ingénieur créatif, l'utopie libertaire dans l'austère Italie de la fin des années 60, une intrigue politique qui dépasse l'imagination. Il y a là un terreau merveilleux pour faire un beau film.
Mais voilà, ce film aussi devrait peut-être être une utopie. Il devrait peut-être avoir l'ambition démesurée de son personnage principal, y croire et être prêt à le défendre autant que lui. Le problème de "L’Incroyable Histoire de l'Île de la Rose", c'est que c'est une simple comédie dramatique. Pourtant, avec un telle pépite de pitch de départ, on pourrait faire une formidable épopée. Mais non, chaque mouvement épique, chaque enjeu politique, chaque victoire ou revers vécu par le personnage est contre-balancé par un ton gentiment amusé. On n'est même pas franchement dans la vraie comédie : on sourit mais on ne se bidonne jamais. Non, on est dans un regard attendri sur un « doux-dingue » (non mais la condescendance de cette expression !) et son projet un peu foufou.
En soi, ça n'a rien de désagréable. Tout le monde fait plutôt bien son travail. Les acteurs sont charmants, l’ensemble n’est pas trop mal filmé, on peut adorer quelques moments (le voyage en prototype de bagnole jusqu'à Strasbourg). C'est mignon, c'est cocasse, mais dès le lendemain, c’est complètement oublié.
Ce qui embête le plus, c'est l’impression que le film porte sur son récit le même regard que la plupart des gens portaient sur l'Île de la Rose : « tiens, un bar rigolo au milieu de la mer » vs. « tiens, une histoire insolite à raconter ». Et ça donne un film dont on pourrait se dire... « mouaif, pas déshonorant, hein, mais pas enthousiasmant non plus ». Et c'est décevant parce qu'on se dit que si le film avait vraiment épousé le point de vue de son personnage, s'il avait cru un peu plus en son utopie sans s'en distancier, s'il l'avait pris un peu plus au sérieux, on aurait mieux ressenti les enjeux, le truc dingue dans lequel il s'était embarqué. On ne peut s'empêcher d'imaginer ce qu'un Michel Gondry, par exemple, aurait fait d'une histoire pareille : le film se serait sans doute sobrement appelé "L’Île de la Rose" mais lui, il aurait été incroyable.
Sabrina BenladiEnvoyer un message au rédacteur