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L'ÎLE

Un film de Anca Damian

Une variation poétique, politique et écologique de Robinson Crusoe

Sur son île, Robison Crusoe, médecin, se remémore son naufrage. Cultivant sa solitude, il regarde le monde au travers de sa tablette. Alors que oiseaux et sirènes se retrouvent pris dans les déchets plastiques qui arrivent sur les côtes, celui-ci sauve Vendredi, un migrant également naufragé…

L'Île film animation animated feature movie

Habituée du Festival d’Annecy, la Roumaine Anca Damian y avait déjà présenté deux longs métrages en compétition ("Le voyage de Monsieur Crulic", récompensé du Cristal du meilleur long métrage en 2012, et l'émouvant "L’extraordinaire voyage de Marona"), ainsi qu'un film en séance événement ("La montagne magique") et même un court métrage. Revenue à Annecy l'an dernier en compétition avec "L'Île" (déjà passé par le festival de Rotterdam auparavant), c'est une œuvre à part dans son parcours qui nous était donnée à voir, adaptation libre "Robinson Crusoe", Vendredi devenant un migrant, la pollution plastique prenant une place importante, et l'auteure se payant même le luxe de passages chantés, dont la langueur reste à l'esprit longtemps après la projection.

En résulte une fable autant envoûtante que déroutante, en forme de variation sur le mythe de l'homme échoué sur son île, qui fustige une solitude voulue, devenue finalement synonyme de replis sur soi. Doté d'une certaine poésie basée sur la rythmique et la répétition, alliée par exemple à une scène de ballet au milieu des algues ou de simples mouvements chaloupés des personnages, le film aborde toutes sortes de sujets actuels, comme la recherche de liberté et d'un possible paradis (voir les références au serpent, comme à la pomme défendue...), dans un monde qui exclue et préfère financer l'armement que l'accueil, ou comme une certaine idée de la décadence de la société (la référence à la tour de Babel…) ou de ses valeurs.

À grands renforts de décors dessinés et d'éléments photographiés collés, on a donc droit à des transitions bien senties (les couvertures de survies qui deviennent le sol ou le soleil...), comme des représentations surprenantes, telles qu'une fête où les plats sont inspirés de conflits ou d'armes destructrices, les vagues à la manière de brochettes de lignes, les arbres en arêtes de poisson, des prothèses formant un arbre, une île de chaussettes (des dons...), une montagne de laine violette dans une bergerie, un dirigeable comme une créature à tentacules, un bateau en papier, une sirène dont la queue est faite de seaux en plastique colorés imbriqués... Abordant ainsi à la fois les aspects superficiels de la générosité (le mot « merci », répété mille fois, perd de son sens face à la réalité...) comme le sort des migrants voués à l'exploitation, "L'Île" est un film d'animation à la fois audacieux et résolument à part.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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