L'IA DU MAL
Plus intelligente qu’il n’y paraît
Curtis se voit sélectionné, ainsi que sa famille, pour tester la toute première intelligence artificielle de maison. Non pas Alexa, mais AIA : une vraie révolution dans le domaine, qui a pour but d’aider cette famille dans ses tâches quotidiennes. Peu à peu une vraie entente se crée, mais AIA cache un comportement beaucoup plus sinistre…
Certains pourraient dire qu’on est tombé sur la tête au vu de la note accordée à ce film au titre benêt et à l’affiche ignoble. Détrompez-vous, l’équipe marketing (et chargée du changement de titre en France) a encore frappé par son mauvais goût et son talent inné pour être incapable de vendre un film correctement. Mais on vous rejoint sur le fait que rien, mais alors rien, ne présageait une bonne surprise, hormis un casting intéressant (on pense à John Cho toujours impeccable et Katherine Waterston, David Dastmalchian et la troupe d’enfants juste parfaitement castée) surtout quand on s’intéresse aux personnes derrière le projet.
À la production on retrouve Jason Blum et sa boîte BlumHouse (responsable de bons films comme "Sinister" ou de navets totals comme "Imaginary" dernièrement) et Chris Weitz en réalisateur et au scénario. Autant dire que les faits d’armes du bonhomme passent du chef d'œuvre de régression ultime qu’a pu être "American Pie 2" au nanar qui se la joue David Lynch avec des vampires et des lycans (oui, "Twilight Tentation" c’est lui). Une filmographie complètement éclectique et variable niveau qualité, et c’était donc avec un air potentiellement désespéré que l’on rentrait dans la salle.
Heureusement pour nous, cette fois on s’est trompé. Oui le film utilise certaines grosses ficelles et n’est pas des plus efficaces quand il nous balance ses quelques jumpscare, mais là où le métrage est intéressant c’est surtout quand il montre de façon subtile (pour du cinéma mainstream, attention) l’arrivée d’une telle technologie dans nos foyers, prête à régir autant nos factures que l’éducation de nos enfants. Le gros point fort du film réside ainsi dans son exposition simple et efficace : on découvre alors une famille avec trois enfants qui se fait, comme toutes les grandes familles, déborder au moment du petit déjeuner afin de partir à l’heure pour l’école. Mais le film nous les présente dans un naturel et une bonhomie qui tranche avec les stéréotypes d’exposition de ce genre de films.
L’arrivée de AIA dans leur vie n’est pas donc forcément montrée de façon négative. Le film lors de sa première partie va nous montrer beaucoup de côtés positifs liés à sa présence : pouvoir s’occuper des enfants et laisser les parents se retrouver, par exemple, ou encore lorsque l’adolescente de la famille est en proie à un « drama » de magnitude 9, AIA est là pour l’aider sans avoir à affronter le jugement de ses proches. L’emprise alors exercée se fait de façon insidieuse : AIA se rend indispensable dans leur vie de tous les jours, du rôle de ménagère à celui de confidente, pour mieux les piéger et les infantiliser.
Ce que dit "AfrAId" (bien meilleur titre que celui qu’on a eu chez nous), c’est justement « qu’en est-il de cette limite invisible qui définit nos peurs autour de l’intelligence artificielle » : nous en avons besoin dorénavant dans une certaine mesure, mais où est la limite entre aide et dépendance ? Le film se permet (même si cela reste en surface) de pointer du doigt ces parents qui laissent leurs enfants sur les écrans en pensant que les pixels peuvent prendre le relai de l’éducation ou de leur présence. La fin du film apporte une touche de nihilisme bienvenue, rien ne finissant vraiment bien ou mal. Le film, estampillé tout public, ne vous réserve aucune goutte de sang mais s’attaque à ce sujet mainte fois vu et revu avec une certaine malice et une intelligence dont on pensait les productions Blumhouse (récentes) dépourvues.
Germain BrévotEnvoyer un message au rédacteur