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L'HISTOIRE DE SOULEYMANE

Un film de Boris Lojkine

La vérité, l'espoir ou les deux ?

À Paris, Souleymane, un immigré guinéen, travaille comme livreur à vélo pour joindre les deux bouts. Tout en pédalant, il tente de mémoriser une histoire fictive qui devrait lui permettre d’obtenir l’asile. Il ne lui reste que deux jours avant l’entretien fatidique…

L'Histoire de Souleymane film movie

Avec "L’Histoire de Souleymane", Boris Lojkine ("Hope", "Camille") s’intéresse au vécu de ces travailleurs de l’ombre que nos sociétés occidentales utilisent avec un mélange de déni et d’hypocrisie : des petites mains surexploitées pour « notre » confort, qui connaissent une précarité économique et sociale aigüe. Sans surprise, les plus touchés sont les migrants (légaux ou non), que cette même société a régulièrement tendance à mépriser voire rejetter. Cette ironie cruelle est soulignée par certaines séquences du film comme celle où un antipathique restaurateur traite Souleymane comme un moins que rien. Lojkine ne tombe pas pour autant dans la caricature manichéenne, ponctuant son métrage de protagonistes bienveillants (l’agente de l’OFPRA, le vieil homme qui s’intéresse à l’histoire de Souleymane, l’homme qui lui offre un café …) mais aussi, inversement, de personnages issus de l’immigration qui sont eux-mêmes capables de dédain ou d’égoïsme vis-à-vis de ceux qui partagent plus ou moins leur condition (celui qui loue son compte de livreur, celui qui vend ses récits fictifs de réfugiés politiques…).

"L’Histoire de Souleymane" aurait pu n’être qu’un film social de plus sur la condition des immigrés, mais il dépasse son sujet en interrogeant la notion de vérité, par le fond comme par la forme. Si le récit interroge évidemment la sincérité des stratégies utilisées par certains immigrés pour survivre ou pour obtenir des papiers (ces tromperies sont-elles condamnables quand on prend en compte leurs enjeux ?), les choix de mise en scène ajoutent une couche « méta » à cette réflexion. Lojkine flirte ainsi avec les limites du documentaire, d’une part dans l’attribution de la majorité des rôles à des acteurs non professionnels qui vivent eux-mêmes des situations analogues (et en allant jusqu’à inclure des éléments du propre parcours d’Abou Sangare dans l’histoire de son personnage), d’autre part dans une manière de tourner au plus près de la réalité, avec une image aux artifices limités, des mouvements de caméra au plus près du personnage (coup de chapeau pour les plans à vélo !) et un son souvent brut en apparence (mais très travaillé) qui ne s’encombre pas d’une musique qui aurait rajouté du pathos inutilement. Ce mélange de fiction et de documentaire confère ainsi à ce film à la fois une authenticité bouleversante et l’intensité d’un implacable thriller social.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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