L'ÉTÉ DERNIER
La chaleur estivale de l’interdit
Suite à des problèmes au lycée, Théo se voit envoyer vivre chez son père. Dans cette maison luxueuse, il va faire la rencontre de sa belle-mère. Rapidement, une relation trouble se crée entre eux…
Cela fait dix ans que nous n’avions pas entendu parler de Catherine Breillat, depuis son autobiographique "Abus de faiblesse", qui revenait sur sa relation avec l’escroc Christophe Rocancourt. Son retour sur le devant de la scène, notamment encouragé par son producteur Saïd Ben Saïd, s’est fait en grande pompe, au Grand Théâtre Lumière, où son film "L’Été dernier" a été invité à concourir pour la Palme d’Or. Les chanceux présents au Festival de Cannes ont ainsi pu découvrir dès les premiers instants que nous étions bien face à une œuvre dans la tradition de son autrice, avec ces mêmes obsessions qui hantent son œuvre : le sexe, les pulsions et fantasmes féminins, le questionnement de l’ordre moral.
Comme à l’accoutumée, la réalisatrice de "À ma sœur" et "Romance" prend le temps d’installer ses protagonistes et le contexte qui va les faire vaciller. À première vue, Pierre et Anne ont tout du couple parfait. Lui, est un homme d’affaires à succès, malgré quelques contrôles fiscaux qui n’égayent pas ses journées. Elle, avocate, spécialisée notamment dans la protection des enfants, est une femme épanouie depuis qu’ils ont adopté deux petites filles adorables. Dans cette belle maison bourgeoise, ils entretiennent les clichés liés à leur classe, où le bon vin est à table et où les conversions restent en surface par courtoisie. L’arrivée de Tom, le fils né de la première union de Pierre, va bouleverser cet équilibre.
Évidemment transgressif, le film capture un amour interdit sans jamais questionner l’âge de ses deux personnages. Et c’est bien ça qui dérange le plus, la caméra ne cherchant pas à saisir le scandale ou à créer facticement une passion brûlante, mais se contenant de nous montrer une romance comme si de rien n’était. En résulte un thriller déstabilisant, où l’emphase est mise sur l’attraction plus que sur l’acte en lui-même. Perturbant et troublant, "L’Été dernier" est aussi l’occasion de grands numéros d’acteurs, Léa Drucker en tête, tout comme Samuel Kircher (frère de Paul, également à Cannes avec "Le Règne animal").
En se focalisant sur les mécaniques du mensonge, le film parvient à tromper le spectateur pour le rendre prisonnier d’une relation bucolique dont il n’aimerait pas être le témoin. Lorsque quelques répliques anodines surgissent (« que tu es mince », « oui, je suis tout petit »), le choc est décuplé. Et ce n’est pas le dénouement qui va calmer notre malaise. Catherine Breillat n’aura pas manqué son retour, en nous livrant, un métrage somme, parfaite conclusion à date d’une filmographie à part dans le paysage hexagonal.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur