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L’ÉTABLI

Un film de Mathias Gokalp

Un sujet forcément d’actualité

À l’automne 1968, Robert, professeur, se fait embaucher comme ouvrier chez Citroën. Découvrant la pénibilité du travail à la chaîne, il est ici infiltré, comme bon nombre de militants d’extrême-gauche, afin de mieux connaître les conditions de travail et de mieux préparer la révolution. Lorsque la direction décide de ne pas payer 3 heures supplémentaires par semaine, devenues obligatoires, revenant sur les accords issus de mai 68, il voit ici l’occasion de raviver la flamme contestataire…

L'Etabli film movie

C’est en cette période de manifestations régulières contre la réforme des retraites, et ce qui est vu comme une régression sociale d’importance (l’obligation de travailler jusqu’à 64 ans), que sort sur nos écrans "L’Établi" long métrage à la fois historique et social. Le film s’ouvre sur une série de cartons expliquant qu’à la fin des années 60, 2 à 3 millions de militants d’extrême gauche, se sont fait embaucher comme ouvriers, afin de mieux préparer les conditions de la révolution. En quelques scènes, la caméra accompagne donc Robert, jeune homme éduqué, de l’examen médical à ses premières blessures sur la chaîne, d’une main coincée sous une plaque à quelques coupures lorsqu’il décroche des portes de voitures. Proche du documentaire, cette partie du film se concentre sur les ouvriers, filmant certains gestes au plus près, traduisant la difficulté du labeur, leur exploitation comme leurs peurs, souvent par des tensions entre eux, le tout en images comme en commentaires ponctuels en voix-off, de la part du protagoniste.

C’est de ces tensions internes que le discours du personnage va se nourrir, tentant de les rediriger vers les vrais responsables (patron, contremaîtres…), afin de poser la base d’un mouvement social visant au minimum à sauver des acquis sociaux. Alternant scènes de son intimité bourgeoise, réunions militantes, et passages dans l’usine où la notion de groupe prend peu à peu le dessus, l’auteur de "Rien de personnel" passé par la Semaine de la critique en 2009, livre une reconstitution historiquement et politiquement solide, où s’entrechoquent les intérêts de chacun (ouvriers, syndicalistes, militants infiltrés ou non, patron, encadrants, service d’ordre « maison »…), mettant en avant la violence latente et les pressions liées à une lutte des classes exacerbée.

Adaptation du roman éponyme de Robert Linhart (1981), "L’Établi" ne parvient certes pas à installer une tension aussi puissante que "Ouistreham", autre film relatant l’infiltration d’un milieu populaire par quelqu’un d’« établi » dans la société (une journaliste). Saisissant ponctuellement les conflits avec les ouvriers qui ignorent sa condition, tout en scrutant les jeux de positionnement des uns et des autres, il bénéficie d’une interprétation sans faute de Swann Arlaud dans le rôle principal, comme de Denis Podalydès en patron retors et d’Olivier Gourmet, qui fait quelques apparitions en tant que représentant de la CGT. De quoi faire réfléchir chacun à sa propre implication, pas forcément dans une révolution, mais dans un mouvement de contestation qui convoque à nouveau aujourd’hui, malgré tout, la notion de lutte des classes.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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