L'ÉQUIPIER
Un vélo qui tangue pour une course intense
Dominique « Dom » Chabrol, ancien espoir du cyclisme belge, est désormais un sportif en fin de carrière. Le coureur de 39 ans est un « domestique », un équipier dévoué à son leader, le jeune Italien Lupo « Tartare » Marino. Quelques jours avant le départ du Tour de France 1998 en Irlande, les pendules ne vont cesser d’être remises à l’heure…
Pas sûr que la sortie d’un tel film quelques jours avant le départ du Tour de France 2022 soit bonne pour l’image d’un des plus grands évènements sportifs de la planète. Car cette fiction, que l’on pourrait qualifier d’uchronie, se déroule durant les heures sombres de l’édition 1998, marquée à tout jamais par l’« affaire Festina ».
Si les questions de dopage et d’éthique sont au centre du film, "L'Équipier" n’en est pas pour autant une simple dénonciation catastrophiste de ces fléaux qui entachent régulièrement le sport de haut niveau en général et le cyclisme en particulier. Du moins, ce long métrage n’a pas pour seule intention de dénoncer ce genre de faits, car c’est plus largement une réflexion sur les rêves et les désillusions de coureurs piégés par un système qui les dépasse.
Ainsi, on suit le héros, Dom, champion vieillissant qui n’a pas connu la gloire promise à ses débuts mais qui continue de s’accrocher et de rêver de coups d’éclat. De ce point de vue, on peut le rapprocher du joueur de tennis brillamment incarné par Alex Lutz dans "5e Set", y compris à travers le traitement médiatique que les deux films mettent en scène ainsi que la confrontation avec les petits jeunes désormais mis en avant, ou encore les stigmates physiques de ces sportifs trentenaires et les tensions avec leur famille (mère et épouse dans "5e Set", sœur dans "L'Équipier").
Outre le héros, on sent un mélange de passion, de cynisme et d’aigreur chez le soigneur, interprété par un Iain Glen mettant toute sa science de la complexité au service de son personnage. Plus secondairement, le jeune équipier belge Lionel Dardonne (joué par Ward Kerremans) fait figure de Candide avec son espoir de sport « clean » avant de pénétrer dans la cour des grands pour son premier Tour.
Pour exploiter toutes ses thématiques et mettre en image les tourments de ses personnages, le réalisateur irlandais Kieron J. Walsh s’avère irrégulier. En filmant les courses comme un film d’action – musique de Hannes De Maeyer à l’appui – il installe une certaine intensité qui peut sembler un chouïa aguicheuse mais qui empêche de sombrer dans un drame mou et dépressif, conférant même au récit une dose de suspense plutôt appréciable. Il parvient également à bien mettre en parallèle d’une part la folie médiatique et l’enthousiasme du public (avec une avidité pour le spectacle, les rebondissements ou le sensationnel), et d’autre part des coulisses pas vraiment glorieuses, avec les tensions générées par les stratégies et les jalousies (où se percutent enjeux collectifs et individuels) et évidemment toutes les entourloupes liées au dopage.
Le réalisateur se montre bien moins convaincant quand il s’agit d’intégrer des éléments dramatiques extra-sportifs (avec une gestion plutôt clichée de la relation amoureuse et du deuil), sauf quand il développe la fiabilité des amitiés (certaines sincères, d’autres feintes). D’autre part, le film n’est guère crédible dans son traitement de la temporalité avec les enchaînements des faits sportifs et intimes.
Reste à évoquer l’un des atouts de "L'Équipier" : son interprète principal, Louis Talpe, comédien belge méconnu (plus célèbre pour le public télévisuel flamande), qui se donne corps et âme. Avec ce personnage affuté et polyglotte, il fallait bien une perle rare : cet acteur pratiquant le triathlon s’avérait donc parfait pour le job !
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur