L’EQUILIBRIO
Quand les défauts deviennent des forces
Dans un quartier difficile de Naples, un assez jeune prêtre, Don Giuseppe, vient prendre la relève du père Don Antonio, respecté et aimé. Mais derrière la pollution qui ruine la santé des gens, cheval de bataille du vieil homme, c’est une dure réalité sociale qui attend le nouveau curé…
"L’Equilibrio" tient plus du documentaire que de la fiction, dans ses cadres, dans son appareillage, dans sa photo, dans son traitement du son, dans l’écriture de ses personnages, et même dans son style de narration. Mais cet aspect documentaire, qui peut être assez peu rebutant au premier abord, sert le propos du film. En effet, le fait que l’acteur principal manque de charisme, qu’il marche de façon tout sauf crédible, qu’il soit sans cesse à côté de l’émotion et que ses dialogues fassent tout sauf mouche, tous ces défauts en quelques sorte, viennent nourrir la narration de façon surprenante. Nourrir la narration, car elle la rend plus humaine, plus incarnée.
En fuyant le cinématographique, trop souvent aujourd'hui associé aux belles images du clip, fortement lumineuses et contrastées, Vincenzo Marra ("La prima luce"), se rapproche du réel, tant et si bien qu’il ne s’en libère que le temps de l’exposition et de la conclusion, qui sont les plus écrites, les plus efficaces. Pour le reste du film, le spectateur est plongé avec Don Giuseppe dans les couleurs et les odeurs de Naples. Dans les intérieurs fades et pauvres des gens qui boivent de l’eau, qui ouvrent des portes, qui s’assoient à des tables. Des gens qui ont des appartements petits et moches, qui sont eux même loins des canons de beauté et dont on ne comprend pas toujours les actions. Des gens qui ont peur et que la peur rend misérables. Des gens qui ne sont pas des héros, qui ne sont pas hauts en couleurs, qui ne voient pas le verre à moitié plein et qui ne font qu’accepter un état de fait pour pouvoir voir le lendemain.
Ce ne sont pas des personnages de cinéma, et pourtant, à la fin, on a du cinéma. Du cinéma parce que dans la vie, aussi, il y a des enjeux. Parce que ce n’est pas parce que la caméra ne montre pas quelque chose de beau qu’il n’y a pas d’émotion. Parce que ce n’est pas parce que le personnage n’expose pas son intériorité que le spectateur ne peut pas d’entrer en empathie avec lui. Parce que justement le singulier, l’imperfection et l’erreur sont si humains, que les voir sur un écran, froids et sans fards, est d’abord déroutant avant de devenir compréhensible. Il faut donc s’accrocher et regarder "L’Equilibrio" jusqu’à la dernière minute, car c’est un film, un vrai, qui pose de vraies questions et qui mène un vrai combat, dans des zones où ni la question, ni le combat n'ont le droit de cité.
Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur