L'ENVOLÉE

L’une des choses les plus délicieuses dans ce film, c’est l’accent. L’anglais argotique, dur et lourd de Brighton. Cet accent unique qui donne un degré de caractérisation supplémentaire à deux jeunes acteurs qui livrent ici de très belles performances. C’est un anglais à couper au couteau, mais un anglais qui les incarne instantanément et qui est porteur de toute une histoire, de toute une douleur. Un anglais agressif sans l’être, à l’image du film. Un anglais bourru et pourtant gentil, aimable et doux.

Eva Riley construit autour de ces deux jeunes un film très intime, tout en plans rapprochés, tout en courte focale. Les personnages se découpent sur un fond flou dont ils sont isolés quand ils sont ensemble. "L’Envolée" fonctionne comme un voyage vers l’autre, comme une découverte d’un autre monde pour revenir au sien, grandi et apaisé, après avoir voulu impressionner l’autre.

Il n’y a pas de grands enjeux dans ce film, pas de risques considérables. Ce n’est ni tragique, ni épique. C’est une petite histoire de banlieue comme il s’en déroule tant d’autres derrière les portes closes de chacune des maisons en bandes défraîchies. Les deux personnages sont à l’aube de leur vie, mais rien de ce qu’il se passe ici ne sera déterminant pour toujours. C’est un épisode, un moment, un souvenir, qu’ils chériront jusqu’à la prochaine fois.

Eva Riley leur donne du corps. Elle travaille sur leur beauté et leur grâce, sur l’émotion qui existe entre ces deux solitaires qui se retrouvent ensemble, qui s’aiment doucement, comme un frère et une sœur. Des jeunes qui, peut-être, reçoivent et donnent pour la première fois de l’amour à un autre être dont ils se sentent responsables et proches.

"L’Envolée" est une très jolie histoire, de deux enfants qui grandissent ensemble, s’aident et s’accompagnent dans un monde qui les ignore. La caméra les rend très beaux, très doux. C’est peut-être un film qu’il faudrait montrer à nombre de parents qui disent ne pas comprendre leurs enfants. Des parents qui disent souffrir du fossé générationnel, de leur silence et de leur moue face à leurs questions. Une belle réussite.