L'ÉNERGIE POSITIVE DES DIEUX
Transcender l’autisme par l’écriture et la musique
Le groupe Astéréotypie a ceci de particulier qu’il est issu d’ateliers d’écritures pour de jeunes autistes, qui écrivent leurs textes puis les interprètent sur scène, accompagnés par des musiciens…
Le documentaire "L'Énergie positive des dieux" est aussi dynamique, bienveillant et exceptionnel que l’annonce son titre, qui reprend en fait celui du deuxième album du groupe Astéréotypie. Rien de divin, toutefois, mais bien une aventure humaine hors du commun qui permet de transcender l’autisme de ces jeunes gens grâce aux ateliers d’écriture de leur éducateur, Christophe L'Huillier, et de former un groupe musical atypique dont le style se situe quelque part entre punk rock et slam.
Accompagnés par quatre musiciens non autistes (dont Christophe L'Huillier lui-même à la guitare ainsi que deux membres du célèbre groupe Moriarty, le bassiste Arthur Gillette et le batteur Eric Dubessay), quatre garçons d’une vingtaine d’années, ultérieurement rejoints par une fille, nous offrent un regard singulier sur leur handicap à travers des textes mêlant éléments autobiographiques, émotions, poésie, naïveté, inventaire à la Prévert, références culturelles diverses (dont de nombreux clins d’œil au cinéma, par exemple à "Ponyo sur la falaise")...
Avec pudeur et sans commentaire, Laetitia Møller suit les différents membres d’Astéréotypie dans différentes phases, de l’écriture aux concerts (dont l’un à l’Elysée où ils sont annoncés par Brigitte Macron) en passant par les répétitions et les interviews. Sans jamais vraiment s’écarter de cette aventure musicale, la réalisatrice brosse des portraits en creux, les filmant avec douceur et utilisant quelques simples effets sonores ou visuels pour nous faire ressentir leur perception du monde (son en sourdine, faible profondeur de champ, caméra à l’épaule…).
Au fil de ce documentaire intense, on sent leur personnalité (celle de Stanislas ressort peut-être un peu plus, entre autres à cause de sa voix particulière digne d’un homme politique), on comprend leurs angoisses et leurs difficultés, on saisit les enjeux particuliers d’un tel projet musical dont les membres cheminent régulièrement sur un fil, tant le moindre détail peut les déstabiliser, les apeurer… À ce titre, il faut tirer un gros coup de chapeau à Christophe L'Huillier, que l’on voit toujours à leur écoute, s’adaptant à leur rythme ou leur humeur, sans pour autant abandonner ni exigence ni rigueur, le tout avec de bonnes doses d’humour et de patience.
Au final, ce n’est ni un film sur l’autisme ni un film sur le rock, mais bien un peu les deux à la fois. Jamais pédagogique ni pédant ni démago, "L’Énergie positive des dieux" est avant tout un documentaire fait d’émotion, qui invite au partage, à la créativité et à l’inclusion, avec une musique qui joue sur un équilibre toujours précaire entre chaos et apaisement.
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur