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KYUKA - BEFORE SUMMER'S ENDS

Rivalités masculines au cœur d'un été décisif

Dans une marina, Elsa et Konstantinos, son frère jumeau, se battent sur le ponton pour un bout de gâteau au chocolat. Leur père, Babis, prépare leur voilier pour une virée estivale. Ancrant le bateau dans la baie d’une petite ville de l’île de Poros, les adolescents vont jusqu’au rivage à la nage, et Konstantinos aborde une femme élégante vêtue d’une robe rouge, plantée devant un arrêt de bus. Babis, arrivé peu après avec son zodiac, a en fait rendez-vous avec la même femme, prénommée Anna. Tous deux sont sur la défensive, mais s’accordent pour se retrouver le lendemain, afin qu’il puisse présenter à celle-ci les enfants…

Film d’ouverture de la section ACID du Festival de Cannes 2024, "Before Summer's End" est autant un film sur la relation père-enfants, qu’un film sur la douleur de la séparation, enrobé au sein d’une comédie dramatique ensoleillée. Suivant un père et ses deux enfants à la frange de l'adolescence et de l'âge adulte, dans ce qui est au départ une escapade complice, le film se meut peu à peu en drame de la jalousie, alors qu’on découvre que la mère, les ayant autrefois abandonnés, a pris rendez-vous avec le père pour revoir enfin ses enfants. Les premiers contacts entre les anciens époux sont particulièrement secs, le père balançant un « tu as vieilli » vachard avant de laisser planer le doute sur la réalité de la rencontre à venir. Mais le hasard va venir un peu bouleverser les hésitations des deux personnages, le fils croisant la mère telle une femme désirable, les adolescents faisant la connaissance de leur demi sœur, gardée par la fille du nouveau compagnon, et le père tombant également sur le nouveau mari, lui aussi fan de pêche.

S’attachant à incarner la complicité entre frère et sœur (l’introduction où ils partagent dans le tumulte un bout de gâteau au chocolat, le moment où la mère découvre des images d'eux sur clé USB, son visage ému se reflétant sur l’écran de l’ordinateur...), le film joue aussi avec humour sur le cliché du père pêcheur, incapable de capturer une proie et réduit à cuisiner des pâtes. Au fil de différents moments de convivialité, les masques vont peu à peu tomber, la tension culminant dans une formidable scène d’affrontement verbal entre les deux maris passionnés par la pêche, qui tourne au concours de performances (la femme est forcément le poisson à ferrer...) et à l’expression d’une rivalité masculine qui relève finalement d'une parabole de l’orgasme.

Entre des images de poissons qui semblent faire autant la gueule que le père, des successions de photos pour mettre à distance le moment le plus dur, Kostis Charamountanis tente de jolies variations de mise en scène. Il s’appuie aussi sur un casting fort, les deux ados en première ligne (Simeon Tsakiris et Elsa Lekakou) permettant de poser au final la question de leur choix à eux : revoir et connaître cette mère, ou non. La conclusion, touchante, a le mérite de leur laisser le mot de la fin, mettant soudain les adultes et le poid de leurs liens passés à distance. Une jolie réussite.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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