KNIVES AND SKIN
POUR : Un univers à part
Un soir, Carolyn Harper ne rentre pas à la maison. Le lendemain, elle a disparu. Pourtant, personne ne semble toucher par son absence, comme si elle n’avait jamais été là. Sa mère, désespérée, va mener une enquête dans cette petite ville de l’Illinois…
Il y a dans "Knives and skin" une sorte d’effet d’attraction indéniable, lié sans doute à la fantaisie de surface que revêt ce drame de l’Amérique profonde, grâce notamment à son traitement visuel. Quelque part entre les fulgurances de "Kaboom" de Greg Araki, et les moments plus planants du "Donnie Darko" de Richard Kelly, ce premier long métrage, dont l’intrigue tourne autour de la disparition d’une lycéenne, pour mieux évoquer les frustrations de toute une communauté, mêle passages chantés (voir la chorale récurrente…), passages hypnotiques, et personnages barrés.
Découvert dans la section pour ados du Festival de Berlin 2019, le film met à jour des relations toxiques ou tordues entre adultes déboussolés et adolescents qui cachent leur jeu. Il dispose d’un atout considérables, avec une direction artistique aussi envoûtante qu’englobante. Si certes le point de départ évoque les étranges "Twin Peaks" de David Lynch ou "Exotica" d’Atom Egoyan, l’auteure construit ici en toile de fond un discours féministe qui l’en démarque immédiatement. Une réalisatrice à suivre.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteurUne jeune fille disparaît au bord d'un lac et une mère de famille va révéler la noirceur et la perversion des relations sociales dans une petite ville américaine. Le pitch vous semble familier ? C'est normal, il est exactement entre "Twin Peaks" et "Blue Velvet". Citer Lynch et se placer dans son univers n'a rien de condamnable en soi. Utiliser les mêmes effets vidéos dépassés pour faire apparaître et disparaître des personnages et des objets, pourquoi pas. Avoir un cadavre qui se déplace sans explications, encore une fois pourquoi pas.
Il semble pourtant que Jennifer Reeder fasse une erreur en se plaçant sous l'égide du père de Dale Cooper car c'est dans la modernité qu'elle apporte au style lynchéen, qu'est toute la richesse du film. En effet, les élucubrations de la mère dévastée, son errance et l'ensemble du bizarre dans le film semblent plutôt gratuits, car ils ne font pas écho à un inconscient mis en images, une structure de pensée sous-jacente qui défierait une certaine logique linéaire.
Mais pourtant, la réalisatrice parvient à proposer des choses réellement riches dans la peinture qu'elle fait de la jeunesse et des relations toxiques qui peuvent exister entre hommes et femmes. Si elle reprend le fonctionnement de la petite ville polarisée autour de lieux symboliques, comme l'école et le café dans "Twin Peaks", avec un jeu de ping pong dans les relations entre tous les personnages, elle parvient à le réinvestir et à le moderniser, dans des scènes parfois absurdes, comme les multiples séances de chorale ou dans des scènes plus intimes, comme lorsque les trois « amies » rendent visite à la mère dévastée. Elle exprime alors ainsi quelque chose de profond et féministe sur la construction de l'identité chez les jeunes filles.
Se libérer du Maître à penser pour trouver sa propre forme et son propre style, car les germes sont là, c'est tout ce qu'on peut souhaiter à Jennifer Reeder.
Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur