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KNIT'S ISLAND : L'ÎLE SANS FIN

Dans le jeu survivaliste en ligne Knit’s Island, la petite île de 250 km² est peuplée de divers clans ou individus isolés. Se mêlant aux joueurs, les trois documentaristes créent leurs avatars, et partent découvrir l’île et interroger les autres participants, sur leurs motivations et leur rapport à l’autre vie qu’ils ont là-bas. Une vie et un monde virtuels dans lesquels certains passent énormément de temps…

Ayant réalisé, durant leurs études, un film de 35 minutes, déjà tourné dans un jeu vidéo en ligne (GTA V, avec comme décors Los Angeles), les trois metteurs en scène ont eu l'idée de cet incroyable documentaire qu'est "Knit's Island", en croisant un joueur décidé à ne pas jouer, mais seulement se promener dans le jeu. Car le principe est des plus surprenants : pénétrer en tant que joueur, mais incarnant les vrais documentaristes, dans un jeu vidéo, pour réaliser un reportage sur les autres joueurs et leurs motivations à passer des heures dans le jeu. Eux-mêmes auront d'ailleurs réalisé ainsi quelques 963 heures à jouer (soit près de 4 ans), équivalent ainsi à un tournage, dont il leur a fallu ensuite sélectionner les personnages les plus intéressants, et les moments les plus significatifs, parmi les 170 heures de rushs, pour un montage de près de 16 semaines.

Le résultat, entièrement en images de synthèse, où l'on aperçoit les avatars de nos documentaristes, où un bout de leur corps en caméra subjective, offre à la fois un voyage dépaysant sur île à l'ambiance aussi post-apocalyptique que bucolique. Loin de l'organisation d'un tournage classique, l'expérience a demandé à ceux-ci de faire survivre leurs personnages, en jouant sur le plan des aspects « survival » du jeu (nourriture à trouver, maladies à éviter...), tout en allant à la rencontre de clans ou d'individus, se cachant derrière une identité inventée et défouloir, ou allant jusqu'à confier leur identité dans la vie réelle (le récurrent Reverend Stone...). Une expérience en temps réel pour eux, qui devaient se rendre sur les lieux de tournage des différentes interview, dans l'espace du jeu, et obtenir l'accord des autres joueurs, de pénétrer chez eux, et de poser des questions.

Différentes démarches ou motivations apparaissent ainsi, aux travers des interactions avec l'église des vivants (qui refuse de tuer...), d'une bande de filles masquées nommé les « ombres de la nuit », d'un révérend prêcheur en contact avec une créature maléfique, un certain isolement dans la vie réelle semblant prévaloir tant le jeu les absorbe (un des joueurs avoue avoir parcouru l'île pendant 12 000 heures...). Faire juste ce que l'on veut (et du coup ce qui n'est pas permis...), parcourir des paysages isolés en solitaire, participer à des rites à la limite de fantastique, désir d'anarchie et de destruction, les lieux et personnages non joueurs permettent à chacun de s'extraire du monde réel (le IRL : In Real Life). Le fossé avec celle-ci apparaît au fil du film, avec la difficulté d'expliquer qu'on a presque une double vie. Une double vie que les auteurs n'ont pas expérimentée, puisqu'ils ont joué leur propre rôle dans le film, mais qu'ils ont su capter avec acuité, avec ce film multi-primé (Prix de la critique internationale et de la compétition Burning Lights à Visions du Réel 2023, et Grand prix du jury Diagonales au Festival Premiers Plans d’Angers 2024).

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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