KIRIKOU ET LES HOMMES ET LES FEMMES
Kirikou n’est pas grand mais c’est toujours notre ami
Après nous avoir narré le combat de son petit-fils contre la terrible sorcière Karaba, puis ses aventures avec les bêtes sauvages, le grand-père nous revient une dernière fois, toujours isolé dans sa grotte bleue. Il va alors nous conter de nouvelles péripéties de la jeunesse du vaillant Kirikou…
Après l’émerveillement et la joie suscitées par ses « Contes de la Nuit », l’enchanteur Michel Ocelot nous revient avec son personnage attachant de Kirikou. Il reprend alors le même dispositif narratif que dans le deuxième volet, le grand père de l’intrépide petit homme nous contant différentes anecdotes sur le dernier de la famille. Et à l’image de son dernier métrage, le réalisateur a opté pour une aventure en relief afin de jouer avec l’ombre et la lumière. Malheureusement, Ocelot ne parvient pas à réitérer son tour de force artistique précédent, et l’utilisation de la 3D s’apparente plus à une logique marketing, nous laissant dubitatifs face au résultat obtenu. Toutefois, il se dégage encore une fois une magie incontestable de cette Afrique fantasmée, et la simplicité des dessins nous confirme la capacité d’Ocelot à nous subjuguer en quelques coups de crayons.
Composé de cinq contes, le long-métrage progresse en intensité au fur et à mesure de l’enchaînement de ces histoires, les deux premières étant plus anecdotiques. Toutefois, cette succession de contes pétris d’humanité est le moyen pour le réalisateur de nous livrer un message fort, une leçon de vie. Il est alors question comme souvent dans son cinéma de racisme, d’acceptation de l’autre, de la peur des étrangers. Dans un magnifique conte central (le plus réussi de tous), Ocelot nous envoie pour la seule fois du film hors des frontières du village, pour nous propulser le temps de quelques secondes dans le désert, à la rencontre des Touaregs. Véritable message d’amour et invitation à la tolérance, l’histoire de ce jeune Touareg, égaré et apeuré, reprend habilement certaines errances de notre société pour les décrier, sans aucune condescendance. Dans un quatrième conte aux teintes de mise en abyme, le réalisateur nous évoque l’importance de la transmission des contes, de l’héritage d’un passé qu’il ne faut ni renier ni ignorer.
Néanmoins, à l’image de cette dimension didactique, le film semble s’adresser uniquement aux enfants alors que les deux premiers pouvaient également ravir les spectateurs adultes. S’il est toujours utile de rappeler de telles nécessités, Ocelot le fait, cette fois, avec si peu de subtilité que ce souffle purificateur finit par horripiler et, plus grave encore, par ennuyer. Si les conclusions musicales sont toujours amusantes et le lutin toujours aussi inépuisable et courageux, il en ressort, au final, un scénario banal et moins travaillé que pour les précédents opus. Certes, quelques fulgurances réveilleront le spectateur, notamment le conte final, d’apparence anecdotique, mais en réalité fortement politique, puisqu’il s’y dessine en creux la nécessaire résistance à l’oppression, le devoir de s’opposer à l’injustice et l’importance que jouent les artistes dans un tel contexte. Mais on était en droit d’exiger plus de la part de ce dernier volet de la saga « Kirikou ». Si les enfants devraient trouver leur compte dans cet univers magique, les adultes, quant-à-eux, risquent d’être déçus. À l’image des fétiches de Karaba, Kirikou commence à s’essouffler… Il est peut-être donc temps qu’il se retire définitivement.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteurBANDE ANNONCE