KEDI – DES CHATS ET DES HOMMES
Un documentaire à part
Dans la ville d’Istanbul, des milliers de chats vagabondent dans les rues, sans maîtres, mais parfois avec quelques attaches, auprès d’une famille, un étal de poissonnier… Ayant chacun leur personnalité et leurs traumatismes, ils sont autant chez eux que chez les hommes qui les côtoient. « Kedi » raconte l’histoire de sept d’entre eux…
Ceyda Torun, réalisatrice de "Kedi" (« chat » en turc), a quitté son pays à l’âge de 11 ans et a vécu à Amman puis New York et Boston. Elle se souvenait de son enfance passée au milieu des nombreux chats errants d’Istanbul. Profitant de l’effet de mode autour des vidéos de chats sur Internet, qui a permis à son équipe de trouver des financements indépendants, elle a pu donner à voir cette ville fascinante et ceux qui la peuplent au travers d’un documentaire à part, mettant en avant la relation entre humains et félins. Et elle a pu montrer ainsi la différence d’approche entre Occident et Turquie dans la manière d’appréhender les chats des rues, consistant ici à « s’occuper d’eux tout en préservant également leur indépendance ».
Véritable défi technique, le film utilise des procédés modernes allant du drone (les images rassurantes de cette ville vibrante, vue d’au-dessus…) à la caméra embarquée sur une voiture télécommandée, ceci pour perturber le moins possible les animaux dans leur quotidien. Partie de 35 félins repérés, l’équipe a pu en suivre 19 lors du tournage, avant d’en sélectionner finalement 7 lors du montage. Et ceci forme un ensemble cohérent de sept histoires singulières, contant les rivalités, la protection des petits, la jalousie, l’approvisionnement en nourriture (une chasse aux souris filmée à l’infrarouge, du vol à l’étalage, un signal donné à une vitre de traiteur, une parade de charme...), ou encore le besoin ponctuel de tendresse...
Au travers des portraits mêlés de Sarı l’arnaqueuse, Bengü la tombeuse, Aslan Parçası le chasseur, Psikopat la psychopathe, Deniz le mondain, Gamsız le joueur, et Duman le gentleman, ce sont des passés parfois difficiles et des comportements sociaux ou instinctifs différents, qui sont ici mis en évidence. Mais ce sont aussi des regards posés, des croyances régulières ou plus étranges, qui sont scrutés de près par des caméras donnant aussi l’occasion aux humains croisés de s’exprimer, voire de décrypter les comportements de ceux qu’ils côtoient tous les jours, sans chercher à les enfermer ni les domestiquer. Un beau documentaire sur la coexistence, pour finir en douceur cette année 2017.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur