KALI
Le cahier des charges habituel…
Lorsqu’elle apprend que son mari a été exécuté dans les favelas de Rio de Janeiro lors d’une enquête sur une affaire de corruption, Lisa décide de prendre les devants. En tant qu’ancienne recrue des forces spéciales, elle remonte la trace d’un trafic international pour assouvir sa soif de vengeance…
Sortie le 31 mai 2024 sur Amazon Prime Video
Derrière le titre du film se cache moins l’art martial philippin que la divinité hindoue de la mort (aussi associée à l’amour maternel), figure que l’héroïne, à savoir une mère ivre de colère à la suite du meurtre de son mari, serait censée réincarner si l’on en croit la breloque qu’elle porte autour du cou. On ne sera donc pas surpris de voir le thème ô combien cinématographique de la vengeance servir de matière centrale au nouveau long-métrage de Julien Seri, déjà habitué par le passé à irriguer ses scénarios de sa fascination pour l’éthique des samouraïs et les philosophies orientales – son diptyque avec les Yamakasi et son brillant "Night Fare" l’avaient démontré. L’idée de voir Sabrina Ouazani catapultée au Brésil pour aller bastonner et dessouder de la saleté humaine au kilo (ça va des flics corrompus aux trafiquants mal rasés) était en l’état le seul motif qui nous rendait curieux de ce "Kali". Promesse hélas non tenue au regard d’intentions qui, au fond, ne diffèrent pas tant que ça de l’inamovible cahier des charges qui aura conditionné le tout-venant des productions formatées à la sauce EuropaCorp au cours des vingt dernières années. En outre, on a beau continuer à louer le talent d’actrice de Sabrina Ouazani depuis "L’Esquive" il y a vingt ans, le virage apparent de sa carrière vers la baston badass suite au catastrophique "Kung-Fu Zohra" n’est clairement pas là pour nous rassurer.
On pourrait régler l’addition de "Kali" en une seule phrase : juste un sous-"Taken" de plus qui réitère en boucle un principe narratif assimilable à celui d’un jeu vidéo linéaire (on rencontre un sous-fifre, on le menace pour avoir une info sur le suivant à éliminer, et ainsi de suite…) et qui préfère privilégier des poncifs narratifs de quarante ans d’âge sur cette propension à la castagne dont on était venu se repaître. C’est triste à dire, mais à force de suivre l’évolution d’un genre au fil du temps, le 7ème Art impose malgré lui qu’un film finisse par être abordé sous l’angle de la comparaison, et dans le cas de "Kali", ce ne sont pas deux coups de feu dans un bar glauque de Rio de Janeiro et une fusillade de douze secondes dans une usine louche qui vont suffire à le faire se démarquer, surtout face à la surdose de taurine qui caractérise la concurrence actuelle – citons au hasard "Farang" de Xavier Gens ou le très récent "Monkey Man" de Dev Patel. Tout juste peut-on louer ce léger fou rire activé face à une scène WTF de torture-interrogatoire qu’on croirait sortie d’un torture-porn. Le reste, entre des dialogues fonctionnels, des confrontations armées plus fades qu’autre chose et surtout un climax niais portant l’éternel cliché des valeurs familiales en étendard (pitié…), ne peut empêcher le destin d’une telle production : l’oubli au fin fond de la jungle du genre.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur