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KAAMELOTT : PREMIER VOLET

Un film de Alexandre Astier

Continuez à l’appeler « Sire » !

Plus de dix ans après avoir rendu Excalibur au rocher et laissé le royaume de Kaamelott à la merci de son ennemi juré Lancelot du Lac, Arthur Pendragon reste introuvable. Celui-ci, traqué par Lancelot, s’est exilé en secret loin de son passé. Mais la terreur et la pauvreté ne cessent de s’amplifier sur le royaume de Logres, et la résistance tente de s’organiser. C’est à ce moment-là que, par un heureux hasard, Arthur réapparaît…

Kaamelott premier volet film movie

Putain, douze ans ! Douze ans à se ronger le sang et les ongles en attendant que la promesse lâchée dans l’ultime plan du Livre VI devienne réalité. Douze ans à se demander même comment ce surdoué surbooké d’Alexandre Astier allait pouvoir trouver du temps libre pour nous pondre ce qui s’annonçait comme une trilogie ample et faramineuse, climax attendu d’une série culte qui a eu pour ambition d’évoluer de la petite pastille télévisée vers une relecture cinématographique et décalée des légendes arthuriennes – un parti pris que certains fans avaient un peu pris en travers de la gorge sur les deux dernières saisons. Douze ans à se remater la série en boucle, tel un Karadoc obsédé par un grignotage toutes les trois heures entre deux repas bien copieux. Bref, en attendant de voir ce cher roi Arthur retourner sur le trône pour y poser ses fesses et pas une pèche, il est clair qu’on en avait gros. L’attente fut (très) longue. Elle est aujourd’hui récompensée par ce qui s’apparente plus ou moins à un Graal.

Répondons tout de suite aux questions-clés. Est-ce que ce premier volet est réussi ? Est-il uniquement destiné aux fans de la série ? Est-ce que le fait qu’il s’agisse de la première partie d’une trilogie impose de rester prudent pour un premier avis à chaud ? Nos réponses dans l’ordre : « oui », « non » et « oui ». Conscient de l’enjeu consistant à amener sa propre création vers un grand écran créateur d’autant de fantasmes que de désillusions, Astier a très clairement fait en sorte de bétonner son champ d’attaque en noircissant tous les éléments attendus par les fans (gimmicks, punchlines, clins d’œil…) et en construisant une trame suffisamment autonome pour permettre l’entrée des profanes sous sa propre arche. Toujours centré sur la lassitude et le doute d’un Arthur perpétuellement tiraillé par les dilemmes nés de son passé romain, le scénario construit une narration parallèle entre le présent (libérer Kaamelott du joug de Lancelot) et le passé (des flashbacks solaires du jeune légionnaire Arthur en pleine campagne romaine), et utilise ce va-et-vient pour traduire à l’écran tout ce qui travaille – et ronge – son protagoniste de l’intérieur. Les moments d’émotion, soutenus par une extraordinaire bande originale composée par Astier lui-même (l’un des plus gros points forts de cet homme-orchestre !), ont ainsi voix en chapitre et offrent une réelle continuité avec les moments forts qui faisaient le sel des Livres V et VI. Doit-on en déduire que "Kaamelott" enfonce ici le clou de sa transformation « sérieuse » au détriment de l’humour décalé ? Bien au contraire.

Sans que l’on sache si c’était en réponse aux réactions mitigées qu’avait pu susciter la fin de la série, Astier met ici le délire des quatre premiers Livres et le sérieux des deux derniers sur un parfait pied d’égalité. Avec un vrai esprit de revanche découlant d’une pause que l’on imagine trop longue pour lui comme pour nous, le bonhomme livre autant une continuité de la série qu’une authentique synthèse qui en relance les enjeux avec un vrai plaisir de jeu. S’amuser des inimitables fétiches de la série (la candeur bêta de Guenièvre, l’appétit gargantuesque de Karadoc, le latin zarbi du roi Loth, le français calamiteux des Burgondes, les jeux sportifs totalement imbitables de Perceval, etc…) et de l’absurdité croissante des situations comme si ce royaume, au fond, n’était destiné qu’à être sauvé pour mieux se reboucler sur sa propre absurdité : tel est le plaisir du film, assumé par un Astier pour le coup très gourmand. Et pour ce qui est de sa mise en scène, ce dernier crée même la surprise après un premier essai déjà très réussi pour le 7ème Art (le très singulier "David et Madame Hansen"). En effet, là où l’on pouvait s’inquiéter d’y retrouver un filmage télévisuel et réduit à de simples champs/contrechamps, Astier a pensé large et ample, optant pour un découpage ciselé et des constructions scéniques propres à une vraie épopée. Bref, si « le gras c’est la vie » (comme dirait l’autre…), alors la gourmandise du maître des lieux aura su accoucher d’un joli banquet comico-épique qui saura rassasier tous ses invités.

Il n’en reste pas moins que la réussite n’est pas totale. On considèrera que le film, trop rapide en soi, se précipite parfois là où il aurait gagné à se poser davantage, et que certaines scènes, sans doute réduites ou biffées du montage final, démontrent qu’une heure supplémentaire n’aurait pas été de trop. Conséquence de cette apparente compression du récit, certains personnages font juste de la figuration (la Dame du Lac, le couple Séli/Léodagan, etc…) quand d’autres pointent carrément aux abonnés absents (où sont donc passés Démetra et Yvain ?). Mais tout ceci, et c’est là que réside le principal hic de l’affaire, vient du fait qu’il ne s’agit là que du premier chapitre d’une trilogie, avec le climax un peu timide qui va avec et l’inévitable porte ouverte en fin de bobine (notons qu’on avait anticipé la scène post-crédits dès les cinq dernières minutes !). Dans l’immédiat, la prudence nous impose de ne pas s’aventurer dans un bilan qui n’a pas lieu d’être, et de savourer le résultat pour ce qu’il représente sur l’instant : ni plus ni moins que des retrouvailles en bonne et due forme avec une mythologie qui nous a tant marqué et manqué, et que le second volet permettra sans doute de faire évoluer. Et comme les fans et les profanes sont ici tous logés à la même enseigne, il n’y a aucune raison d’en avoir gros.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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