JOEL, UNE ENFANCE EN PATAGONIE
Cecilia, question de la maternité en Patagonie
Cecilia et Diego vivent dans une petite communauté en marge de la société argentine en Patagonie. Le couple de quarantenaires est à la recherche d’un enfant. Ils prennent chez eux le jeune Joel de 9 ans. Joel vient d’un quartier difficile de la capitale. Alors que tout se passe pour le mieux, des problèmes à l’école viennent tout remettre en cause…
Un film sur l’adoption, quand il n’est pas raconté du point de vue de l’enfant, est souvent un film qui se concentre sur la recherche, pour les parents adoptifs, d’une légitimité dans leur « paternité » ou « maternité » nouvelle. Sans échapper à cette règle, la relation entre Cecilia et Joel donne une autre dimension à ces problématiques. La force et la pertinence du film sont en effet de présenter la recherche de légitimité de la mère adoptive de manière non conventionnelle. Car si Cecilia se demande si elle est vraiment une bonne mère pour Joel, si elle ne devrait pas se sentir plus heureuse de sa présence, ce sont ses actes, sans même qu’elle s’en rende compte, qui la font devenir, incontestablement, sa mère.
Ainsi, loin des clichés et des oripeaux traditionnels de la maternité, c’est par la lutte que Cecilia se révèle vraiment mère. Mère parce qu’elle refuse de céder un pouce de terrain quand son fils est rejeté et ostracisé pour des choses qui ne sont rien de plus que des enfantillages et qui font indéniablement partie de lui. Des choses qui, parce qu’il est nouveau, parce qu’il est différent, parce qu’il vient d’un milieu difficile où se côtoient la drogue et la violence, conduisent à son exclusion de la société rangée et conservatrice de la province de Terre de Feu. Par son refus, par l’enveloppe de protection qu’elle crée autour de l’enfant, les questions de la maternité ne se posent plus. "Joel, une enfance en Patagonie", a ainsi l’intelligence, dans son écriture, de faire comprendre que la maternité n’est pas un questionnement théorique, mais une réalité physique, en acte. Le personnage de Cecilia, seul personnage qui existe vraiment dans le film, fait ce trajet et cette découverte.
Mais pour arriver au cœur du film, il faut passer le pas d’une photographie assez fade et d’un scénario poussif. Chaque minute se coule dans la précédente dans un balai de relations un peu clichés. Ainsi, "Joel, une enfance en Patagonie" est avant tout une bonne idée, un film bien tenu avec une relation homme - femme équilibrée, riche et pertinente. Un film également informatif sur la réalité sociale d’une Argentine à deux vitesses, où l’éducation n’est pas ce que nos yeux d’européens auraient pu imaginer sans connaissance préalable. Ainsi, ce film, signé Carlos Sorin, auteur de "Historias Minimas" et "Bombon el perro", au fond très universel, s’enfonce dans une trivialité dont il peine à se sortir, mais sous la surface, l’histoire et l’interprète de Cecilia valent la peine de se déplacer.
Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur