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JODOROWSKY'S DUNE

Un film de Frank Pavich

Jodorowsky's ambition

En seulement trois films, le chilien Alejandro Jodorowsky s’est taillé une réputation de cinéaste hors du commun avec ses œuvres délirantes de créativité. À l’issue de l’exploitation de son plus grand succès, « La Montagne sacrée », il désire s’attaquer à un monument de la science-fiction: le roman Dune de Frank Hebert. Il revient sur ce projet avorté pour lequel il débordait d’ambition…

Dans le milieu des cinéphiles SF, le projet du "Dune" d'Alejandro Jodorowsky en a longtemps fait fantasmer plus d'un. Frank Pavich a choisi d'en faire le sujet pour son premier long-métrage en interviewant le réalisateur, ses proches ou les diverses personnes ayant travaillées sur le projet. Pavich compile parfaitement les interventions par rapport à sa narration. La musique complète à merveille un montage ordonné avec brio qui va même jusqu'à reconstituer les séquences du film à partir du story-board de Moebius.

Après un teasing de taille introduit par le réalisateur de "Drive" et une brève présentation du parcours de cet immense réalisateur rappelant aux néophytes son ahurissant univers qui bouscula les codes établis pour une génération de cinéastes, Jodorowsky commence à nous dévoiler son rêve le plus fou: adapter Dune de Frank Hebert (qu'il avoue n'avoir par ailleurs jamais lu) à une époque où ni "Star Wars", ni "Star Trek" n'existaient ! Jodo, comme il aime à se faire appeler, a un égo démesuré, une folie créatrice qui n'a d'égale qu'une ambition incommensurable. Il nous conte avec la ferveur et l'exubérance qu'on lui connait comment, pendant des années, il réussit à s'entourer des meilleurs artistes de l'époque (ses « guerriers » comme il aime à les appeler), du scénariste Dan O'Bannon au designer H.R. Giger et comment, non sans une certaine malice, il séduit les plus grandes stars de l'époque en leurs promettant monts et merveilles (100 000 $ la minute pour Dali, un repas d'un chef étoilé chaque jour pour Orson Welles…). Les autres interventions de Michel Seydoux et Jean-Paul Gibon tempèrent les grandes tirades passionnées du maître toujours prêt à remotiver ses troupes dans l'adversité.

Car Jodorowski possède un aplomb extraordinaire et nous offre d'hilarants passages, quand il vient à défendre son projet auprès d'une star qu'il désire comme Mick Jagger, ou les Pink Floyd. Le documentaire révèle avec la plus grande affection, toute la folie créatrice et la personnalité passionnée de Jodorowky ainsi que son amour le plus dévoué à ce projet pharaonique dans lequel il aura investit plus de deux millions de dollars avant de devoir jeter l'éponge. Tout le passage exposant sa recherche de financement auprès des grands studios d'Hollywood fendrait presque le cœur. Même s'il s'est à chaque fois vu opposer le même refus, lui et ses producteurs savent combien le story-board de Moebius a influencé et représente même la pierre angulaire des grands films de SF qui suivront, tels que "Star Wars" ou "Blade Runner". C'est également avec un impressionnant recul et une philosophie admirable, empreinte de fierté, que Jodorowsky revient sur cet échec. Il sait qu'il aura laissé une trace indélébile sur le monde de la science-fiction, que ce soit au cinéma ou ailleurs…

Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur

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