JENNIFER'S BODY
L'amie mortelle
Il y avait quelque chose de plaisant à imaginer un genre aussi casse-gueule que la comédie horrifique pour ado, tomber dans les filets de la diabolique Cody. Ayant su parler avec justesse et humanité de « l’âge ingrat » dans le magnifique "Juno", la scénariste semblait la plume idéale pour évoquer les exactions d’une mente religieuse lycéenne, et nous conter avec féminité et mordant cette histoire de possession démoniaque et de rivalité entre filles. Avec son casting glamour et sa réalisatrice en chef (déjà auteur de "Girlfight" et... "Aeon Flux" !), "Jennifer’s Body" (quel beau titre !) s’annonçait comme un inoffensif thriller sexy orienté féminisme de lycéennes. Le résultat ? Un film en grande partie raté, mais parfois traversé de fulgurances réjouissantes.
Le premier problème, et il est de taille, concerne la star du film. Aussi mauvaise que dans les "Transformers" de Michael Bay, la bombe Megan Fox traverse le film avec dédain, misant tout son potentiel sur de risibles scènes « sexy », où la jolie miss joue l’allumeuse sans jamais montrer plus que son nombril (le film ne s’appelle pas "Jennifer’s nombril" !) et laissant la question du jeu à ses partenaires, tous excellents.
Malheureusement, peu de possibilités de s’intéresser vraiment à ce qui arrive à cette bande d’adolescents travaillés par leur hormones, Megan Fox occupant presque tout l’écran de sa moue boudeuse et de son sourire carnassier. Le second problème, et il est de taille aussi, concerne l’autre star du film. Là où les dialogues inventifs et rythmés de "Juno" permettaient aux personnages d’exister au-delà des situations racontées, Diablo Cody semble ici jouer avec un cynisme inutile et feint (affreuse voix-off qui phagocyte toute tentative d’immersion dans le film) sur les codes du genre (et ses références), enfilant les clichés comme des perles sans jamais prendre un peu de recul sur son travail, ni même proposer quelque chose de nouveau. Terriblement dommage pour une scénariste aussi douée !
Réalisatrice inégale, Karyn Kusama relaye avec panache le scénario faussement malin de Cody, le film fourmillant d’idées visuelles (la piscine envahie par les plantes), jouant de couleurs agressives et de cadrages gothiques, dans la grande tradition du genre, proche d’un «Thriller» de Michael Jackson et John Landis ou d’un "Teen Wolf" avec Michael J. Fox. Film d’horreur, certes, mais aussi film d’adolescents.
Et c’est dans ce registre que le film se révèle le plus réussi. Incarnés par une bande d’acteurs épatants, les personnages gravitant autour de la prude Jennifer permettent tout de même de dresser un portrait amusant et décalé d’un univers lycéen dans une petite ville. Et quand la Renarde leur laisse le champ libre, les excellents Adam Brody et J.K. Simmons (aussi drôle que dans un Sam Raimi) s’amusent des jeux de mots forcés de Diablo Cody.
Et il serait bien criminel de passer sous silence la prestation de la plantureuse Amanda Seyfried, ici dans le rôle ingrat de la meilleure amie moins sexy. Après avoir hantée l’univers de "Veronica Mars", la belle blonde s’enlaidit (un peu) et s’empare des meilleures scènes du film. Amie, puis rivale de la diablesse, Needy symbolise à elle seule tout le sous-texte voulu (inconsciemment ?) par les instigatrices du projet, femme-enfant prenant peu à peu l’ascendant sur le démon qui la tyrannise. Fragile, déterminée ou rageuse, Amanda Seyfried s’impose face au reste du casting, illustrant avec justesse les motivations et les questionnements de son personnage, le seul du film à posséder un peu d’humanité. Une fleur du mal au milieux des ronces, en quelque sorte, promise à un avenir qu’on espère radieux.
Film de petite(s) maligne(s), "Jennifer’s Body" n’est ni un bon film d’horreur, ni un excellent teen movie, constamment bancal, avec ses bons acteurs empêtrés dans cette histoire très peu intéressante. Et si le film n’est jamais ridicule, ni même mauvais, c’est avec réflexion qu’on attend de voir un nouveau film écrit par Diablo Cody. Histoire de prouver que ce n’était qu’une erreur de parcours ?
Frederic WullschlegerEnvoyer un message au rédacteur