JEANNE DU BARRY
Un spectacle étincelant et espiègle
Jeanne Vaubernier, fille du peuple qui joue de ses charmes pour survivre, se voit offrir une chance rare, celle de rencontrer le Roi Louis XV. Immédiatement, le coup de foudre a lieu, au point que le Souverain l’impose comme sa favorite préférée. Ce qui va faire jaser la Cour…
La légende raconte que Maïwenn est tombée amoureuse du personnage de Jeanne Vaubernier, plus connu sous le titre de Comtesse du Barry, en visionnant le "Marie-Antoinette" de Sophia Coppola dans lequel Asia Argento prêtait ses traits à cette féministe avant l’heure. Les faits eux narrent un tournage houleux, notamment lié aux relations a priori tendues entre la réalisatrice et Johnny Depp. Si un certain folklore entoure ce projet, aussi bien pour son contexte que par rapport à son parti-pris de choisir un acteur américain pour incarner une figure de l’Histoire française, la question du résultat à l’écran pouvait laisser craindre le pire tant il est difficile de ne pas sombrer dans le classicisme ou la surenchère volontaire d’anachronismes. Si quelques défauts sont à noter, tout comme certains personnages moins bien traités (les filles du Roi notamment), la cinéaste a réussi son pari, nous offrant une œuvre moderne et maîtrisée.
Au-delà du parcours de cette jeune fille du peuple prête à tout pour s’élever socialement, ce qui fascine dans le film est le parallélisme avec la propre la vie de l’actrice – metteuse en scène. Car Jeanne est Maïwenn. En filigrane, elle se raconte, elle, son parcours critiqué, sa grande gueule, sa manière de s’assumer pleinement peu importe les qu'en-dira-t-on du showbiz (ou de la Cour). Surtout, elle se sert aussi de ce destin hors-du-commun pour affirmer dans un pamphlet à peine dissimulé sa vision du féminisme, où l’esprit de la sororité prônée n’est pas le plus populaire à notre époque. En sus du message politique, le métrage s’avère être un biopic surprenant, avec des dialogues libérés et une voix-off particulièrement incisive, sans oublier une certaine récréation autour des us et coutumes de cette époque où les perruques et la poudre étaient à la mode.
Au cœur des décors somptueux de Versailles, "Jeanne du Barry" retrace ainsi avec talent l’existence mouvementée de Louis XV, faisant la part belle également aux secondes rôles, Melvil Poupaud (le sadique comte du Barry) et Benjamin Lavernhe (l’attachant valet) en tête. Et le Roi dans tout ça ? Probablement contrainte par son français imparfait, Maïwenn parvient à tirer le meilleur de l’interprète iconique de Jack Sparrow, limitant ses dialogues au maximum pour se concentrer sur son regard et son charisme. L’aura de l’homme se confond avec celle de la fonction. Avec en plus des audaces esthétiques et narratives, ce film d’ouverture de la 76ème édition du Festival de Cannes n’effacera sans doute pas les polémiques mais marquera les cinéphiles malgré quelques saynètes où le cabotinage prend trop le dessus. Et après avoir galéré pendant plusieurs années pour le monter, ce n’est pas Maïwenn qui s’en plaindra.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur