JE VEUX VOIR
Faux documentaire pour vrai témoignage
Cette année à Cannes, les faux documentaires furent légion. Après la vague des faux repaortages caméra à l'épaule souvent horrifiques (« REC », « Le projet Blairwitch », « Cloverfield »), ce furent des documentaires sociaux, construits de toutes pièces qui firent l'actualité (« 24 city » de Jia Zhang Ke, « Les bureaux de Dieu » de Claire Simon). « Je veux voir » fait partie de cette deuxième catégorie, tout droit venant du proche orient, mettant en scène un périple partiellement prévu, où Deneuve taille la route, conduite par un sympathique acteur libanais ( Rabih Mroué ).
Si l'on finit par douter de la spontanéité de certaines scènes, le documentaire marque cependant une évolution progressive des plus intéressantes. Léger au départ, avec des discussions entre les deux « personnages » concernant notamment l'utilité de porter la ceinture de sécurité dans un pays où les feux de signalisation ne sont pas respectés, le ton se fait plus angoissant au fil du film. Avec les paysages qui s'ornent peu à peu d'immeubles puis de villages détruits, on entre en territoire inconnu. Et le danger se fait sentir (on essaye d'empêcher de filmer), comme l'émotion affleure, lorsque l'homme ne parvient pas à reconnaître les rues du village de sa grand mère.
Avec d'impressionnantes images de montagnes de matériaux concassés, donnant à la mer une couleur rouille, proche du sang, le film finit par marquer et le silence par s'installer. Le spectateur se retrouve alors livré à ses propres sensations, forcément éprouvantes. Malheureusement, les réalisateurs ont préféré boucler au final sur le luxe et les intérieurs d'hôtel somptueux, qui certes, soulignent un contraste, mais donnent à nouveau dans les regards appuyés et le peu naturel.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur