JE TE MANGERAIS
Trop explicite
« Je te mangerais » est le premier film de Sophie Laloy .Pour son premier passage derrière la caméra, elle a choisi de raconter une histoire quasi-autobiographique. En effet ,cette histoire de colocation passionnée et ambiguë, dans une moindre mesure, est la sienne. De la même manière, le monde de la musique qu’elle dépeint, le conservatoire, les concours, le stress, c’est ce dans quoi elle baignait dans ses jeunes années avant de choisir la voie du cinéma. Ainsi, on peut déceler tout au long du film la spécificité et la sincérité de cette histoire qui n’est autre qu’un portrait de sa réalisatrice.
Mais la transposition à l’écran d’une telle histoire méritait, pour être vraiment crédible et sensible en tant qu’œuvre artistique, un traitement cinématographique propre. Si Sophie Laloy a certainement fait preuve de toute sa bonne volonté et d’un grand investissement pour mener à bien son projet, elle peine en revanche à trouver un langage filmique qui lui serait personnel. On ressent cette lacune à plusieurs niveaux.
Les deux actrices principales sont talentueuses et habitent leur rôle avec intensité mais les dialogues, beaucoup trop attendus et explicatifs, ruinent en partie leur prestation. La naissance de l’amour, du désir, d’une passion foudroyante, est bien plus intense quand elle s’exprime par le silence, le regard, le non-dit. Parfois cependant, la caméra joue ce jeu-là de saisir des expressions, caresser des visages, des nuques, allant vers des effleurements. Mais ici, malgré tout, la manière de filmer semble convenue.
On sent que Sophie Laloy a bien appris ses leçons, oui elle sait faire un film, mais sait-elle faire naître des émotions ? Dans une scène au bord d’une baignoire, Isild le Besco aide Judith Davis à se vernir les ongles des pieds, scène, il me semble, hommage à la première séquence du « Lolita » de Kubrick. Mais voilà, n’est pas Kubrick qui veut. Et c’est tout le problème du film: si l’on sent que la cinéaste a retenu les leçons de ses pairs, on sent aussi qu’elle est loin de les égaler. On pourra cependant saluer des choix musicaux intéressants comme les pièces de Poulenc, Ravel et Schumann, rarement, voire jamais entendues au cinéma, mais cela ne sauvera pas le film pour autant.
D’habitude je fais une phrase de conclusion avec un jeu de mots sur le titre mais comme je n’ai pas compris le titre et pas encore digéré le film, je m’abstiendrais pour aujourd’hui.
Rémi GeoffroyEnvoyer un message au rédacteur