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JE SUIS TOUTES LES FILLES

Un film de Donovan Marsh

Peu honnête dans la promesse... mais un honnête polar quand même !

Jodie Snyman est une détective spécialisée dans le trafic d’êtres humains en Afrique du Sud. Après l’échec d’une intervention, son supérieur lui retire son dossier et lui ordonne de s’occuper du meurtre d’un pédophile. Rapidement, Jodie comprend que cette mort est liée à une vieille affaire : la disparition non élucidée de six jeunes filles…

Je suis toutes les filles film movie

Sortie le 14 mai 2021 sur Netflix

Commençons par mettre les points sur les « i » : quand le générique de début annonce que ce film sud-africain est « inspiré par des faits réels », les producteurs auraient dû faire preuve d’un peu plus d’honnêteté en écrivant « librement inspiré ». Le fameux Gert de Jager qu’évoque le texte introductif n’a jamais existé et s’inspire de Gert van Rooyen, suspectés d’avoir enlevé, assassiné et peut-être violé six jeunes filles (voire plus), dont les corps n’ont jamais été retrouvés. Or, il y a bien des différences entre les deux, par rapport à ce qu’affirme le film en ouverture puis par la suite : le vrai Van Rooyen s’est suicidé après l’évasion d’une de ses victimes donc il n’a pas pu être interrogé comme dans ce récit fictif, et les hypothèses de son implication dans un réseau de trafic d’êtres humains impliquant des ministres de l’époque de l’Apartheid viennent d’affirmations d’un fils de ce criminel, dont la parole n’est guère crédible puisqu’il a par ailleurs été condamné pour parjure. On est donc très loin du film tiré de faits réels et bien dans une fiction reprenant vaguement des faits non élucidés et plus ou moins fantasmés.

Cette mise au point étant faite, "Je suis toutes les filles" est un thriller plutôt classique et efficace dans l’ensemble, qui fournit de vrais moments de tension ou d’émotion malgré un certain nombre de stéréotypes ou lourdeurs. Notons toutefois que le suspense est étonnamment limité, cela à cause d’une volonté explicite de nous faire comprendre très rapidement l’identité de la tueuse de pédophiles sur laquelle enquête la détective Jodie Snyman. L’intérêt du film est donc ailleurs : dénoncer les trafics d’êtres humains (ce sur quoi insiste la dédicace finale) et provoquer de l’empathie pour la tueuse. Ce dernier aspect, assez inhabituel pour un polar mais caractéristique du genre « rape and revenge » dans lequel s’inscrit aussi ce scénario, est l’un des atouts de ce long métrage à la fois humaniste et féministe. Autre point fort, et non des moindres dans un pays où les « viols correctifs » de lesbiennes sont très courants : la relation amoureuse entre les deux héroïnes est construite d’une manière ni aguicheuse ni ambiguë, affirmant donc implicitement leur normalité. Rien que pour ça, le film vaut bien quelques applaudissements.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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