JASMINE
Blues Jasmine
Un homme retrouve un amour de jeunesse et décide de lui écrire. Il est Français, elle est Iranienne. Il se rappelle alors leur relation et leur vie amoureuse à la fin des années 70, quand le peuple iranien s’était révolté contre le Chah…
Film d’animation ne rime pas toujours avec dessin animé pour enfants. Certains racontent la guerre et sont davantage destinés à un public d’adultes. Marjane Satrapi nous avait dévoilé sa vie à travers le magnifique "Persepolis", Ari Folman s’était replongé dans l’horreur du conflit du Liban avec le très beau "Valse avec Bachir"… Alain Ughetto, pour sa part, signe également un premier long-métrage d’animation – ici à base de pâte à modeler – en partie autobiographique. Ayant fréquenté une Iranienne dans sa jeunesse et la retrouvant par le biais d’Internet des années plus tard, Alain Ughetto nous livre son histoire et ses souvenirs de la révolution iranienne de la fin des années 70 qui sépara finalement le couple.
C’est donc l’histoire d’amour entre une femme et un homme, les (presque) deux seuls protagonistes du film à qui Jean-Pierre Darroussin et Fanzaneh Ramzi prêtent leur voix (un pseudonyme pour l’actrice d’origine iranienne qui préfère garder l’anonymat). Débutant son film par les mots posés sur de vieilles lettres retrouvées, les mains du réalisateur se saisissent d’une plume et écrivent d’autres mots à son ancienne bien-aimée. Il se souvient de leur rencontre et sous nos yeux émerveillés nous assistons aux retrouvailles des deux êtres sous la forme de bonshommes en pâte à modeler.
Là encore les mains du réalisateurs s’activent : elles façonnent la matière, créent un modèle, sélectionnent la couleur pour représenter les deux peuples, tandis que par intermittence des images d’archives montrent la révolution d’un peuple qui veut ériger l’Ayatollah Khomeiny au pouvoir. Mélange des genres et des styles pour un film qui se veut pluriel tout en gardant une simplicité dans ses effets. Un film simple mais pas tout à fait simpliste. On se perd parfois dans le trouble de certaines séquences et on s’efforce de décrypter les nombreux symboles qui pullulent, à l’image des « cailloux » enturbannés dont on devine aisément ici qu’ils représentent les mollahs.
Dans des décors originaux mélangeant des matières premières comme le polystyrène de colis, ou d’emballages, les personnages de pâte à modeler évoluent images par images. Nous les voyons se cacher de la famille de la jeune femme, aller aux manifestations, vivre leur amour… avec un intérêt fluctuant. Leur relation est détaillée oralement et on comprend alors leurs doutes, leurs incompréhensions, la puissance de leur amour… Alain Ughetto livre finalement une œuvre à part, avec force nostalgie, qui s’adressera de prime abord à un public averti, mais dont le processus de création peut toucher profondément.
Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur