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IT DOESN'T MATTER

Un film de Josh Mond

L’espoir sur les sentiers de la perdition

Un cinéaste revient sur son amitié avec Alvaro, en le questionnant sur leurs sept années de relation. L’occasion pour eux de se replonger dans le passé…

Un écran noir, des voix, puis des images de deux hommes en train de se filmer au téléphone. On se dit alors qu’on va assister à un énième « métrage COVID », ces œuvres capturées avec les moyens du bord, et dont l’originalité se limite souvent à leur postulat de placer leur intrigue dans ce réel pandémique (les très oubliables "Locked Down" et "Connectés" pour ne citer qu’eux). Mais lorsqu’on reconnaît Christopher Abbott, génial acteur vu récemment dans "Pauvres Créatures" de Yorgos Lanthimos et la série "The Crowded Room" avec Tom Holland, les espoirs placés en "It Doens’t Matter" augmentent inexorablement, d’autant plus lorsqu’après quelques minutes, notre cerveau nous rappelle que le réalisateur Josh Mond n’est autre que celui à qui l’on doit la pépite "James White", dont le rôle-titre était interprété par… Christopher Abbott !

Les premières séquences installent le procédé narratif : un cinéaste demande à un ami, à travers des entretiens en FaceTime, de lui raconter leur rencontre et les sept années qui ont suivi. Bercés par les mots d’Alvaro et les questions régulières de l’intervieweur, la caméra nous invitera à plusieurs reprises à quitter les murs de leurs appartements respectifs pour nous plonger dans les méandres de leur mémoire, au cœur des lieux et pérégrinations retracés. Se dessine progressivement un portrait des marginaux du pays de l’Oncle Sam, où l’on dort souvent dehors ou dans des tentes, où l’on multiplie les petits boulots pour essayer de s’en sortir, où l’on vagabonde de villes en villes pour respirer les cendres du rêve américain à défaut d’y croire encore.

Dans une forme hybride entre le documentaire et la fiction, le film nous convie à un trip cinématographique jouissif, jamais redondant malgré l’apparent dispositif scénaristique, se concentrant toujours sur le lien entre ses protagonistes plutôt qu’à se perdre dans une politisation trop forte de son récit. Évidemment, chaque souvenir, de par leur nature, appelle à une réflexion sur l’état de la société, sur comment le système a pu en arriver là, mais le drame de Josh Mond reste toujours à bonne distance, préférant l’intime à la théorie, les individus à l’État. Plus qu’une démystification de l’Americana, "It Doens’t Matter" est un acte poignant de cinéma, une nouvelle illustration de la puissance de l’amitié, qui, sur un thème aussi éculé que celui-ci, parvient à surprendre à chaque instant. Malgré ce que suggère son titre, il s’agit bien d’une œuvre qui compte !

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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