ISN'T IT ROMANTIC
Pour les fans de comédies romantiques… et pour celles et ceux qui les détestent !
Petite fille, Natalie rêve devant des comédies romantiques mais sa mère lui fait comprendre que ce n’est pas la vraie vie. Devenue adulte, elle est architecte dans un cabinet de New York, elle est souvent prise comme la larbine de service et elle ne se fait plus guère d’illusion. C’était sans compter sur un incident qui va tout changer…
Sortie le 28 février 2019 sur Netflix
On ne compte plus les films dans lesquels un personnage se retrouve dans un monde parallèle à la suite d’un choc physique et/ou psychologique. En 2019, cette idée semble d’ailleurs dans l’air du temps, puisqu’en quelques mois, sont sortis "Isn’t It Romantic", "Yesterday" et "Mon inconnue", qui ont exploité ce prétexte scénaristique pour faire évoluer leurs protagonistes. Ce principe également très tendance sur Netflix, qui a déjà dans son offre originale les films "Je ne suis pas un homme facile" et "I Feel Pretty". Comme ce dernier, "Isn’t It Romantic", également sorti sur Netflix, met en scène une héroïne célibataire et en surpoids, mais contrairement au personnage d’Amy Schumer, celui de Rebel Wilson ne se fait aucune illusion et est incapable de se croire désirable. D’ailleurs, sa mère le lui a bien fait comprendre dans le prologue la montrant enfant, lorsqu’elle rêvait encore devant Julia Roberts dans "Pretty Woman" : les histoires d’amour, ce n’est pas fait pour les gens comme elles, il faut se faire une raison !
Devenue adulte, elle se voile la face (car au fond d’elle-même, elle souffre de sa condition) et se moque donc allègrement de son amie et assistante qui est accroc aux comédies romantiques au point d’en regarder sur son lieu de travail. Cette scène permet de faire le point sur tous les clichés du genre, pour mieux jouer avec par la suite, quand le film vire à son tour du côté de la rom-com par le truchement d’un choc frontal qui envoie l’héroïne dans une sorte de pays des merveilles, ou plutôt dans un New York a priori idéal où les rues sentent bon et où tous les hommes semblent attirés par Natalie, qui n’en croit évidemment pas ses yeux ! Conditionnée par son rejet des comédies romantiques, elle a même tendance pendant un moment à considérer ce transfert improbable comme un enfer, alors que tout contribue à la mettre sur un piédestal, sentimentalement comme professionnellement. Seul son ami et collègue Josh reste à peu près fidèle à lui-même, et il semble rapidement évident qu’il va devenir l’enjeu final de Natalie, qui n’a jamais compris que celui-ci l’aimait.
Scénaristiquement, il n’y a pas grand-chose de nouveau sous le soleil et on devine facilement les rebondissements comme le dénouement. Mais peu importe car là n’est pas l’intérêt du film et c’est même logique que tout soit si prévisible, puisque les répliques de Rebel Wilson s’amusent justement à railler les normes des comédies romantiques (avec aussi quelques doses de comédies musicales) et les passages obligés que traverse son personnage, Natalie commentant constamment, souvent dans un soupir d’exaspération, tout ce qui lui arrive. Cela donne lieu à quelques bonnes idées de mises en scène, comme la façon d’ironiser sur la censure des jurons et des scènes de sexe, ou comme la manière de détourner l’usage de la voix off.
Au final, "Isn’t It Romantic" réussit un petit exploit : devenir d’une part une vraie comédie romantique qui plaira aux fans du genre et d’autre part une parodie qui ravira celles et ceux qui ont plutôt tendance à avoir les poils hérissés face à ce type de long métrage souvent mielleux et édulcoré. Ainsi, le personnage principal, en étant à la fois désabusé, cynique, ingénu et grande gueule, parvient à se glisser tout autant dans la peau de la jeune femme attachante en quête d’amour que dans celle de l’héroïne décalée qui donne des grands coups de pied dans les codes. Le mélange fonctionne et on passe un vrai bon moment de comédie, tout en sirotant un message sous-jacent, et pas prétentieux pour un sou, sur la coexistence nécessaire entre lucidité et estime de soi.
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur