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LA ISLA MÍNIMA

Un film de Alberto Rodríguez

Brillamment glauque

1981. Deux flics sont envoyés dans un village de l’embouchure du Guadalkivir, en Andalousie, pour enquêter sur la disparition de deux jeunes filles, aux mœurs soi-disant légères…

Voici que débarque sur nos écrans le grand vainqueur des Goyas 2014, récompensé de 10 statuettes (dont celle du meilleur film), préalablement lauréat au Festival de San Sebastian 2014 des prix de la meilleure photographie et du meilleur acteur pour Javier Gutiérrez (trouble à souhait). Ambiance morbide, chaleur accablante, pluie violente provenant d'un puissant orage… les décors naturels de l'embouchure du Guadalkivir, en Andalousie, sont pour beaucoup dans l'ambiance des plus glauques qui règne sur cette macabre histoire.

Dès le générique, des vues aériennes s'imposent, traçant les méandres de paysages où le manque d'eau a laissé des traces et dessinant des paysages torturés, à l'image des contours d'un cerveau humain, comme si nous pénétrions dans les entrailles d'un pays, jeune démocratie dans les années 1980, hésitant entre le fait de cacher ses fantômes ou de s'y confronter. L'opposition entre les deux flics, l'un ancien franquiste, l'autre ambitieux et progressiste, est à l’image de cette Espagne qui cherche un compromis boiteux, pour retrouver une apparente sérénité.

Sur fond d'enquête policière qui s'oriente vers un tueur en série, mais qui implique une bonne partie de la population, coupable d’avoir fermer les yeux, "La Isla mínima" propose à la fois de beaux moments de tension, dont une magnifique scène de poursuite en voiture dans une semi obscurité, sur les digues sillonnant le marais, et des pauses aériennes contribuant à l'ambiance étrange qui se dégage du film. Ces sortes de prises de recul ponctuelles, faites de vues aériennes sur les paysages tantôt géométriques, tantôt torturées du Parc de Doñana, ne sont pas sans rappeler les vues de la Terre que proposait Amenábar dans "Agora", laissant ici la crasse un instant à distance, pour mieux respirer, sur fond de quelques notes de musique minimales.

Les attitudes louches de nombreux personnages, l'absence de perspective sur le coupable, l’ambiguïté des deux policiers, les paysages étranges, comme isolés du monde, font de ce thriller espagnol une œuvre efficace, aux aspects politiques captivants. Un film d'ambiance qui ravira les adeptes de scénarios tordus et d'ambiance morbide.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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